ft. Satoru Gojo - Jujutsu Kaisen
TW: maladie dégénérative
«
Shiori. C'est un joli nom. Parce qu'il sera capable de s'adapter à toutes les situations et que rien ni personne ne saura briser notre fils.
Shiori. »
It has been said that something called a "smile" exists
on the shore opposite of this sadness
What is it that awaits us beyond the place
that we will finally reach after our struggle?
La balle au bout du pied file à vive allure. Elle est envoyée en l'air, le gamin fait un tour, esquivant son adversaire et récupère la balle au sol avant de courir vers les buts sous les encouragements de ses camarades de classe et des parents. Il se rapprocher et il voit le défenseur se rapprocher dangereusement ; c'est maintenant ou jamais, alors il tire. Il tire et pendant un instant, le temps est en suspend, la scène se déroule au ralenti. Ses équipiers courent, mais ils regardent tous la balle avec attention ; elle va rentrer, ils le savent. L'arbitre attrape son sifflet, les spectateurs retiennent leur souffle... puis la balle percute le filet de plein fouet.
Le bruit strident du sifflet fait revenir tout le monde dans le présent et pendant un instant, il y a un vague silence, qui est vite suivi par des applaudissements et cris de joie. Les équipiers de Shiori accourent vers lui et lui sautent dessus en le félicitant.
«
On a gagné ! Tu l'as fait, Shiori ! »
Les rires et les explosions de joie se font nombreuses alors que toute l'équipe au complète se retrouve pour célébrer. Les perdants, eux, soupirent et repartent la tête basse, mais lorsque le capitaine s'apprête à sortir du terrain, une main se tend dans son champ de vision. Il relève les yeux et croise ceux du capitaine des gagnants ; Shiori Toda.
«
Hey, c'était bien joué. Vous étiez redoutables ! »
Le sourire est sincère, tout le monde le sait. Alors les deux capitaines se serrent la main.
«
La prochaine fois, la victoire sera à nous. »
This isn't running away,
this is for the sake of our dreams
We were supposed to have gone
on a journey on that Summer day long past
Pour célébrer, les parents ont emmené tous leurs adolescents fêter ça au fast-food. Certes, ce n'était pas le plus sain, mais les gamins se réjouissaient de pouvoir manger gras, sucré et salé à outrance sans avoir à se faire gronder. Une récompense bien mérité à la table particulièrement bruyante où tous les camarades se racontaient avec entrain chaque moment clé de leur match. Du côté des parents, les discussions fusent et les anecdotes s'enchaînent, tout dans la bonne humeur. L'équipe du collège s'est qualifiée pour le championnat et s'ils restent raisonnables dans leurs ambitions, c'est une victoire qu'il faut tout de même célébrer. Un simple loisir scolaire devenu une source de motivation incroyable.
Pourtant, ce ne sera pas le football qui définira les ambitions du jeune Shiori. Sous le regard bienveillant de ses parents, il s'essaie à plein de choses. Il peine à conserver une passion plus d'un certain temps, fonctionnant à l'impulsion, mais la passion de leur fils est si grande qu'ils n'ont pas le coeur à le priver des choses qu'il aime, aussi fugaces soient-elles, à cause de ses notes à l'école. Le père défend que son fils est un curieux qui, plus tard, saura faire plein de choses différentes à défaut d'être spécialiste dans un domaine, quand la mère avance qu'il sera un exemple pour les autres et une source de bonheur pour son entourage. On l'aime, et il aime en retour, absolument et définitivement heureux.
Even if we were only to glance at tomorrow, there would be no sighs,
however like the ship that goes against the current
For now, we must advance forward
C'est plein de boue qu'il rentre et sa mère l'accueille avec un air couroucé.
«
Encore ?! Shiori, tu n'as plus douze ans, où est-ce que tu es encore allé te fourrer pour revenir dans cet état ? Tu as débuté l'université je te rappelle ! »
A peine sorti de l'adolescence, mais toujours un gamin dans l'âme ; il se gratte la tête en faisant une grimace coupable.
«
Hé bien, c'est qu'il a plu et on a pas voulu s'arrêter quand même... »
Coup de torchon de la part de sa mère qui peste d'avoir un fils aussi bordélique, mais ce dernier éclate de rire en jetant des excuses que tous deux savaient insincères. Elle lui ordonne d'aller se laver immédiatement et il s'exécute sans opposer la moindre résistance. La chute a été douloureuse, quand même. Le vélo tout terrain file à vive allure dans ses souvenirs, et il se rappelle bien avoir vu le trou, mais a été incapable de freiner sur le moment. Est-ce qu'il commence déjà à se faire vieux pour ne pas savoir réagir aussi vite qu'il en a toujours eu l'habitude ?
Bah, peu importe. Demain ça ira mieux, il cachera ses bleus et on en parlera plus, comme à chaque fois. Demain, c'est parkour. Après-demain, randonnée. Et les semaines d'après seront similaires. Il suit un cursus de sport, mais passe plus de temps dehors à crapahuter.
If we were to wait for the morning sun with our fists clenched
Our sparkling tears would fall into red nail marks
«
Tes chutes sont anormalement nombreuses, Shiori, tu es sûr que ça va ? »
Il est allongé dans un lit d'hôpital, le bras dans le plâtre, mais sourit quand même. Ce n'est pas grand chose, ça arrive de faire des chutes ; peut-être qu'il est juste devenu trop orgueilleux et arrogant et qu'il fait moins bien attention aux risques. Ses amis préfèrent aussi aller dans ce sens et ils le charient gaiement alors que les parents, dans une autre pièce, ont tout l'inverse d'un sourire sur leur visage.
«
Quand voulez-vous faire ces tests ?─
Le plus tôt possible serait le mieux. Si c'est bien ce que nous pensons, nous voudrons prendre en charge Shiori dès que possible. »
La mère baisse le regard, inquiète. Le père assure au médecin qu'ils vont en parler à Shiori et le convaincre. Plus tôt dans la matinée, il a refusé tout test, niant en bloc la possibilité d'avoir une maladie, expliquant avec le sourire qu'il est juste maladroit et qu'il doit juste perdre ses réflexes plus vite que tous les autres. Une affirmation qui n'a pas échappé au corps médical, et que les parents ont également soulignée. Son entourage proche suspecte que quelque chose ne va pas, mais le premier concerné semble s'en ficher totalement.
Par amour pour ses parents, il passera les tests quand même.
It has been said that happiness waits at the place
where suffering has come to an end
But I'm still searching for that untimely sunflower
«
... est appelée ataxie spinocérebrelleuse. Il s'agit d'une maladie neurodégénérative. La perte de vos réflexes... »
Le sifflement dans ses oreilles est violent, assourdissant. Il se tient debout, se sent en forme et en bonne santé ; il ne comprend pas les mots qu'on lui dit. Il est malade ? C'est ce qu'on lui dit ? Mais... il n'en a pas l'impression. Certes ses réflexes laissent à désirer. Certes, il lui est arrivé de tomber à des moments où rien ne semblait être en travers de sa route. Certes, il lui arrive de mal évaluer les distances et rater les objets qu'il veut attraper. Mais tout ceci... c'est normal, non ? C'est passager, certainement.
«
... les symptômes apparaissent lentement, mais ils vont définitivement progresser... »
Pourquoi on lui dit ça en fait ? Il n'a que vingt-deux ans, ce n'est pas comme s'il n'avait pas toute la vie devant lui. Il va aller mieux. Au pire, un peu de repos, puis tout reviendra dans l'ordre, comme pour un rhume ou une grippe non ? Il n'a jamais été
si malade que ça, alors pourquoi là, il aurait quelque chose de grave ?
«
... capacités intellectuelles nullement affectées... »
Effectivement, il n'a rien perdu. Son état mental est le même depuis toujours, il n'a pas de changement, ne se sent ni en retard, ni en galère, juste... pas dans la norme. Ce n'est pas un problème. Alors comment ? Comment peut-il être malade ?
«
... aucun remède à ce jour. »
If we were to become accustomed to loneliness
We would then be reliant upon the moonlight
We would take flight on featherless wings
We must advance further forward
Sa vie a été renversée et il ne voit plus son corps comme son allié. Il quitte l'université, abandonne ses amis, s'isole quand il comprend que c'est la vérité. Il se voit rater la bouteille d'eau qu'il veut attraper et s'arrête, observant sa main et les centimètres qui la séparent de son objectif. Quelques centimètres, ce n'est pas grand chose, mais c'est suffisant pour qu'il se sente étranger à lui-même. Il est certain d'avoir visé la bouteille, certain que sa tête fait bien son travail, mais le problème est ailleurs. Ca le détruit de l'intérieur et l'atmosphère chaleureuse et bienveillante de la maison familiale sombre dans un silence presque mortuaire.
Ses parents essaient de communiquer, de l'aider à accepter la nouvelle et de relativiser, lui assurant qu'ils seront toujours à ses côtés ; mais ça le bouffe. Il les entend parler, le soir ; ils murmurent, mais il les entend. Il entend les pleurs et gémissements, la culpabilité dans leur voix et l'incompréhension. Ils endossent la responsabilité de sa maladie, parce que c'est
leur faute si leur fils en a hérité. Shiori a si mal, mais il est incapable de les consoler, autant qu'ils n'arrivent pas à le rassurer.
Les premiers mois sont ignobles et il a la sensation que tout le voisignage l'observe, le juge, et a pitié de lui ─ ça l'énerve. Il n'est pas malade. Pas encore. Il va bien ; mais il doit se rendre à l'évidence que non lorsqu'il part seul un weekend dans la nature et se blesse. Livré à lui-même, loin de la civilisation, les larmes coulant à flot et les sanglots brisant le silence de la nature. Il est tombé. Il ne sait pas comment mais il est tombé. Il marchait, et d'un coup, il a percuté le sol. La surface était plate, pourtant, alors pourquoi ? Son menton saigne, son front aussi, et il s'est tordu le poignet. Le pire constat, pour lui, ce n'est pas tant qu'il se soit blessé, ou qu'il ait chuté : c'est qu'en tombant, il n'a eu aucun réflexe. Il est juste tombé à plat, sans ses mains, sans rien. Il est
terrifié de ce qu'il va devenir.
If the rainclouds had run themselves out
Then the wet path before us would shine
Only the darkness will tell
The strength of the light
So advance forward with strength
[rebooted]Shiori s'enferme dans la solitude et s'éloigne de tous ses amis ; les rumeurs ont sûrement fait leur travail en se faufilant de bouche en bouche, mais peut-être qu'il s'agit simplement aussi d'un ras-le-bol. Shiori ne sait pas, et ne cherche pas à savoir. Même si a priori son quotidien se déroule sans encombre, il lui arrive ponctuellement d'avoir des piqûres de rappel de sa maladie. Il passe des jours sans que rien ne se passe, puis brutalement, il se
rate, comme il le dit si bien, et se fait mal ou a besoin qu'on l'aide. Ce n'est pas moins lourd car il s'est renseigné, et qu'il a commencé à étudier. Il sait ce qui l'attend, il sait combien ce sera brutal pour lui et ses proches. Il sait que c'est génétique et qu'il ne dépassera pas les trente-cinq ans. Il sait que ce n'est qu'une question de temps avant qu'il perde le contrôle de son corps, de ses jambes, bras, la parole, puis jusqu'à sa respiration, et ça l'angoisse. Il combat cette angoisse comme il peut en trouvant des ouvrages de neuroscience, il s'inscrit à des cours en ligne, puis vient même trouver une place dans des cours privés. Pendant un temps, ses parents ont espoir qu'il retrouve une volonté de combattre et qu'il retrouve le sourire, mais tout ça n'est que factice.
Parce que Shiori est incapable de travailler. Les quelques fois où il bégaye et bute sur les mots, ce n'est pas parce qu'il réfléchit plus vite qu'il ne parle, quand il s'arrête brutalement dans la rue ou trébuche, ce n'est pas de la maladresse ou avoir la tête en l'air, et quand il se refuse à tester son équilibre ou sa force, ce n'est pas par humilité ou honte.
Il veut s'enfuir, loin d'ici, loin d'eux, loin de tout, loin de la maladie, et recommencer à zéro. Il ne veut plus qu'on le regarde avec pitié, ne veut plus voir ses médecins, et veut juste... vivre comme il peut.
Alors il pousse la porte pour rentrer chez lui, mais termine ailleurs.
A son réveil, il a tout quitté.
Ca ne fait que quelques mois que Shiori est là, et il n'est pas encore certain de ce qu'il veut. Il a hésité pendant un temps, puis est finalement retourné le nez dans ses ouvrages, n'étant guère capable de travailler efficacement. Il n'espère pas guérir sa maladie, mais s'il peut au moins repousser l'échéance, alors ça vaut le coup de se pencher dessus.
Malgré les ponctuels accès de rage où il envoie tout valdinguer, quand le mental ne tient plus. Malgré les rêves qui des fois reviennent le poignarder dans le dos.