« Tu as un regard singulier et charmant,
Comme la lune au fond d’un lac qui la reflète,
Ta prunelle brille [...]  »

Un air nostalgique se dessine sur le visage d’Eleanor alors qu’elle se remémore son idylle passée. Elle lit, non sans émoi, les lettres que son timide fiancé lui avait écrites. Ses yeux gris scintillent légèrement à la lueur de sa bougie. Ils sont aujourd’hui moins vifs que dans sa jeunesse. Des rides en pattes d’oie les marquent à présent, témoignant d’une vie riche en sourires malgré les difficultés traversées pour en arriver là.

« Tu es une perle, d’une rare beauté,
lisse, nacrée, si douce au toucher, […] »

Elle sourit tendrement, laissant apparaître ses fossettes. Sa peau claire n’a plus son élasticité d’antan. Ses traits se sont légèrement durcis avec l’apparition naturelle de quelques rides. Ses joues se sont creusées un peu plus. Son nez droit et son haut port de tête lui donnent une certaine élégance naturelle.

« Tes mains d’artiste si délicates
Que j’aimerais tenir à jamais […] »

Une volonté que la destinée n’a malheureusement pas voulu exaucer, ou pas tout à fait. Elle aura été vraie pour la durée du restant de sa vie à lui. La chaleur des mains de sa moitié lui manque. Sa circulation sanguine n’étant pas des meilleures, elle peine parfois même à tenir ses pinceaux qu'elle aime tant.

« Tu m’as offert ta liberté,
Je me suis livré à toi.
Tu m’as donné ton cœur,
Je t’ai ouvert le mien. [...] »

Ela s’est bien assagie avec les années. Elle s’est adoucie en maturant. Mais il ne faut pas se méprendre, elle fut une jeune fille rayonnante. Un esprit libre et aventurier. Elle vivait au gré de ses envies, et l’une d’entre fut de s’immiscer dans la vie d’un jeune garçon esseulé, à la santé fragile. S’en suivi l’amitié puis l’amour d’une vie.

« Tu es assise
Dans l’embrasure de la grande fenêtre
C’est l’endroit du monde
Où l’on voit le mieux tout le monde
Tu aimes cet endroit
Où ton cœur s’apaise […] »

Une habitude qui lui est restée dans la bâtisse de ce qui est aujourd’hui, le café Myosotis. Elle aime les gens. Elle aime l’humain. Elle trouve de la beauté dans la vie banale de tous les jours, dans le quotidien de chacun. Elle aime observer autrui d’un œil bienveillant.

« Tu n’oublies pas
Les gens
Les choses
Les visages
De ceux qui te sont proches
Et pourtant si lointains [...] »

Chacun existe pour une raison, il est donc important pour Eleanor de reconnaître tout individu qui partage brièvement le même chemin de vie qu’elle. C’est sa manière d’affirmer à chacun qu’il n’est pas "personne", ou juste "quelqu’un". Toute vie est précieuse et tout moment passé ensemble est une bénédiction. Il faut savoir en profiter du temps qu’on le peut.

« Ta compassion est un baume pour l’âme,
Qui nous réconforte dans les moments difficiles.
C’est une lumière qui éclaire nos chemin,
Et nous guide vers un avenir plus serein. [...] »

Des années après, ces quelques mots sur cette lettre ont le don de toujours roser les joues de la belle dont on fait l’éloge. Eleanor les espère toujours valides. Elle a toujours été sensible aux émotions des autres. Son oreille attentive a su écouter bien des confessions sans jamais trahir la confiance qu’on lui a accordé. Elle continue de donner sans attendre en retour. Selon elle, sans la tendresse d’un cœur qui nous soutient on ne va pas bien loin. Alors elle s’applique à être tendresse, amour et pardon à tout ceux qui en ont besoin.

« L’amitié et l’amour fleurissent
Là où les gens sont honnêtes […] »

Une affirmation qui la fait rire doucement. En voilà une belle manière de dire qu’elle n’a pas forcément eu la langue dans sa poche. C’est une femme franche, non sans tact mais qui a horreur du mensonge. Elle préfère se taire plutôt que de mentir.

« Il n'y a que les personnes qui ont de la fermeté qui puissent avoir une véritable douceur »

Encore une fois, c’est avec beaucoup de poésie qu’il exprime ce qui pourrait être un défaut. Dans la fougue de la jeunesse, son tempérament obstiné aurait pu être mal reçu par celui qui a partagé sa vie. Mais celui-ci l’a toujours confortée dans l’idée qu’elle était signe de persévérance et de confiance en soi. Il a toujours su voir le meilleur en Eleanor.

« Je t’aime et te louange et je te remercie
D’être venue, un jour, si simplement,
Par les chemins du dévouement,
Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie. »

Envers et contre tout leur couple s’est aimé. Eleanor était un roc qui a su supporter le tumulte de leur vie, pour le meilleur et pour le pire. Ils savaient tout deux dans quel bateau ils s’étaient embarqués, sa destination était claire d’emblée. Elle se dresse toujours fièrement bien que meurtrie par son naufrage. Depuis, l’eau à coulé sous les ponts, et avec elle la peine de son absence.

« Et comme chaque jour je t'aime davantage, aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.
Amoureusement,
Vassily Voronin. »

- Oh Vasya...

Elle soupire en contemplant le tas de lettres devant elle. Elle s'applique ensuite à les ranger précieusement, dans l'ordre chronologique, dans un tiroir de son bureau bien à l'abri. Elles représentent de précieux souvenirs qu'elle n'oublierait pour rien au monde. Son propre jardin secret. Elle s'y recueillit tous les hivers, à la même période de l'année, en mémoire de celui qu'elle a aimé et qui lui a été pris bien trop tôt.

Dans la vieille bibliothèque du bureau rangé, un herbier. Un vieux manuscrit relié maison à la couverture légèrement frottée par des année d’amour lui étant porté. Les pages gondolée de cet album abritant des fleurs séchée délicatement collées et soigneusement agrémentées de notes calligraphiés. Quelconque objet pour certains, précieux mémento aux vertus thérapeutiques pour Eleanor. On y trouve les souvenirs de ses sentiments, douces images des beaux jours, joyeux désirs de la jeunesse, soupirs des premiers amours, ou cicatrices de profonds chagrins…



A l'entrée du jardin secret, une marguerite. Cueillie dans les prés de l’enfance, elle commémore les allégresses juvéniles d’une petite fille aux longues tresses châtain clair. Utilisée dans maintes couronnes et bouquets de pauvre facture et offertes innocemment à ceux que l’enfant aimait, toujours accompagnées d’un sourire candide toutes dents dehors. Cette fleur n’a rien d’extraordinaire, mais n’en est pas moins belle pour autant. Au contraire, elle incarne l’enchantement d’un quotidien heureux à Phymeris entourée de ses parents.


Sur la page d’à côté, un primevère. Une fleur à la fois chaste et résiliente. Avec elle arrive la fin de l’hiver et le début d’une nouvelle relation. Un petit voisin, aussi fragile que cette fleur éclos timidement dans la vie de la jeune Eleanor. Vassily de son prénom. A le voir, un souffle semblerait suffire à le faire tomber. Mais tout comme cette fleur, il grandit et prospère même contre les forces de la nature. Et tout comme cette fleur, Eleanor trouve de la joie dans chacune de ses apparitions annonçant les beaux jours. Elle s’applique à préserver ce cadeau de mère nature, et à aller le rechercher chaque fois qu’elle le peut. Devenant ainsi malgré elle, le soleil à ce frêle primevère. Eleanor sans s’en rendre compte, devient son printemps.


Cachée derrière les deux premières fleurs, une violette. Eleanor ne cessera jamais de la chérir, et continue de se remémorer le plus beau jour de sa vie chaque fois qu'elle l'aperçoit. Dépourvu de mot lui permettant d’exprimer ses sentiments grandissants, Vassily lui avait offerte en guise de confession muette d’un amour sincère. Elle représente une amitié ayant fleurit magnifiquement en un sentiment réciproque d’amour authentique. Un preuve concrète de la belle histoire de Vassily et Eleanor qui suivra. De tout l’herbier, elle est devenue sa fleur préférée. A leur élopement, elle a composé son bouquet.


Grimpant le long de cette feuille, du lierre. Si commun qu’on l’oublie. Il sublime les arbres et le façades des maisons simplement. Il couvre la charmante vieille bâtisse que le couple à décidé de rénover, rêvant d’y créé un lieu accueillant propice à la vie commune du village. Amis et familles, tous se sont réunis des mois durant, contribuant d’une manière ou une autre à l’ambitieuse entreprise. Unis dans le rire ou dans l’adversité, ce sont de nombreux souvenirs qui se seront créés ces années-là. Chacun répondant toujours à l’appel en cas de besoin, ici se sont construite les relations les plus fidèles qui a ce jour subsistent.


Les deux pages qui suivent ne manquent jamais à émouvoir Ela. Tout d'abord, un cyclamen blanc. Le cadeau le plus récurrent de sa moitié. Elle est sa manière de remercier Eleanor pour la tendresse qu'elle lui porte au quotidien. Toujours accompagnée d'un petit poème ou d'une lettre lui déclamant que sans cette douce attention, il ne serait jamais allé si loin.

Elle a été son dernier présent avant de, tout comme elle, faner à son tour. Vassya, contrairement aux primevères, ne refleurira pas un trente-quatrième printemps et s'éteindra paisiblement bordé par son soleil, l'amour de sa vie, Eleanor.


Puis vient l’adonide, charmante fleur à la couleur jaune éclatante. Ici pourtant, annonciatrice d’une période bien sombre. Symbole d’une destinée impitoyable, d’une fatalité tragique. Cette fleur n’a pris sa place dans cet album qu’après une longue période à vide.


Ce jardin a pleuré longtemps le souvenir de ses pas.

Mais sans aucun doute, son esprit le foule toujours

Le tintement des carillons faisant écho à ses mouvements

Donnant la force au soleil, d’encore se relever.



Apparaît le coquelicot, aussi dit pavot rouge. Se dressant dans les champs sa fleur sauvage et frêle, résistante et singulière, que personne n’a plantée, dont la flamme parcourt les champs comme un message. La fleur qu’on lui a offerte maintes fois. Touchante consolation éphémère donnée par ceux qui se font réellement du souci.

Ils ont agité, sans un bruit, les pensées d’Eleanor.


De paire avec le coquelicot, la lavande représente le soutien qu'on a porté envers Eleanor. Même séché, son doux arôme se dégage distinctement des vieilles pages de l’herbier, embaumant les pensées d'Ela. Gage de tendresse, il réconforte. Humer sa fragrance la ramène en enfance, où la simple présence de ses parents pansait tous ses maux. Même adulte, cette fleur la calme. Très certainement, parce qu'elle lui est toujours donnée, par celle qui l'a mise au monde. A travers les épreuves de la vie, certains rocs persistent.


Parmi ces rocs en plus de ses parents, un homme grisonnant. Anatoli Voronin. Beau-papa d'Eleanor. Comme un deuxième père de cœur, il n'est pas moins important que ses véritables parents. Âgé de 59 ans lorsqu'il a perdu la chair de sa chair. Un homme résilient bien que dévasté. Elle admire sa force, sa ténacité. Il cherche le soleil désespérément dans la tempête. Tel un tournesol. S'ouvrant seulement à ceux qu'il aime réellement, il se dirige vers le soleil sans jamais regarder l'ombre derrière lui.


Un changement débute avec cette jacinthe. Amené par le biais d'un innocent enfant dans la vie d'Ela. Surtout, dans la vie d'Anatoli. Faisant souffler un vent nouveau, chassant lentement leur chagrin. Le remplaçant par l'espoir. L'espoir d'accompagner cet innocent petit garçon vers de jours meilleurs. L'espoir de ramener son sourire, et par la même occasion le leur. Réveillant le rêve meurtri d'Eleanor, d'un jour pouvoir être mère. Lui donnant le courage de se proposer en tant que famille d'accueil, comme l'a fait son beau-papa avant elle. Il a malgré lui réussi, à leur faire tourner une lourde page. L'enfant s'appelle Mikhail, on l'appelle affectueusement Misha. Mais Eleanor, elle,
l'appellera toujours :

Mon trésor.


Bel iris, qui rêve au beau temps, annonciateur de bonne nouvelle. Il a pris racine dans ce jardin après l'arrivée d'une belle lettre. Apportée par le facteur favori d'Ela en ce temps là, il sera resté un moment, le temps d'apprendre son contenu. Une longue étreinte chaleureuse s'en sera suivie. Eleanor submergée de pur bonheur pour la première fois depuis longtemps a reçu la réponse qu'elle attendait : elle allait pouvoir devenir officiellement maman.

Exauçant ainsi seule, le rêve partagé avec sa moitié.


Gage d'amour, il est le plus beau cadeau qu'elle puisse recevoir. Chaque année lors de la fête des mères, il ne manque pas à la toucher. l'Œillet est sa plus belle faiblesse. La faisant même secrètement verser le soir venu, des larmes, dans son jardin secret. Elle se laisse aller, dans son refuge, sourire aux lèvres et larmes aux yeux. Ne se laissant pas pour autant submerger, mais reconnaissante du retour de l'amour qu'elle a pu donner. Elle ne peut que rêver que l'amour continue de régner en maître jusqu'à la fin de ses jours.


Un enfant nous embrasse

Parce qu'on le rend heureux,

Tous nos chagrins s'effacent,

On a les larmes aux yeux.



Après les hauts viennent inévitablement, les bas. Le souci, fleur aux couleurs éclatantes et joyeuses décorant pourtant, rites funéraires et bouquets de consolation. Elle apparaît inévitablement dans la vie de chacun, au terme de sa propre existence ou de celle d'autrui. Cadeau de la nature au terme de son cycle inévitable de Vie et de Mort. Elle ressemble à un lever de soleil, lumineuse, elle était là aux funérailles des êtres les plus aimés... Qu'ils aient été parents, amis, simples voisins... Elles seront certainement là aussi, lorsque viendra la fin pour Eleanor.


Et tout comme ces précieuses personnes,

Ces fleurs faneront à leur tour

Emportant avec elles, tous les soucis.

Et laissant place, à la guérison.



Véritable porte-bonheur, ensoleillant les cœurs quand vient enfin le printemps, le muguet. Ses cloches naïves carillonnent signalant le retour des beaux jours. Aujourd'hui plus beau que jamais, il est revenu dans le jardin d'Eleanor. Et il y reviendra encore, chaque printemps.


Brin de douceur,

Brin de bonheur,

Faisant refleurir,

L'éclat de son sourire.



Complétant ce bouquet éclectique, le myosotis. Ses pétales bleu clair fleurissant dans les cœurs vieillissant. Symbole d'amour éternel, de loyauté et de fidélité, son nom vient adorner l'œuvre d'une vie. Sur l'enseigne du bâtiment couvert de lierre, rénové avec amour sur plusieurs années, on le retrouve. Parfaitement à sa place. Là où les phymériens viendront seuls ou accompagnés, se retrouver autour d'une boisson et partager un peu de leur temps.  


Là où,

Au moindre vent,

au moindre bruit,

Il s'agite.

Et il nous dit tout bas,

"Ne m'oubliez pas".


❥Résumé à la chronologie floue

• Naît à Phymeris, enfance heureuse
• Enfant extravertie, devient meilleure amie avec un petit garçon à la faible constitution appelé Vassili
• En grandissant, les deux amis se rapprochent et Vassili déclare sa flamme avec un bouquet de violettes
• Le couple reste fidèle à travers les années, et rêve d’ouvrir un café ou tout le monde peut se retrouver et se sentir chez soi. Ils retapent un vieux bâtiment avec l’aide des autres habitants. Il se marient ensemble dans un petit mariage intimiste avec seulement leurs parents présents.
• Ils profitent de leur vie de couple à leur manière, Vassya étant fragile, ils n’essaient pas d’avoir d’enfant mais prennent plutôt soin l’un de l’autre du temps qu’ils le peuvent. Malheureusement Vassili décède à l’âge de 33 ans, Ela en a alors 35.
• Viennent quelques années sombre de la vie d’Eleanor dont le deuil est difficile.
• Son entourage l’aide à la consoler, famille comme amis, l’aidant à se relever doucement.
• Elle se reprend et décide de réaliser leur rêve de famille heureuse en se proposant famille d’accueil pour les mineurs égarés à Phymeris bien que seule. Elle ouvre également leur café et le nomme Myosotis en hommage à Vassya
• Sa demande est acceptée et elle accueillera quelques enfants et adolescents entre ses 48 ans et ses 60 ans (qu’elle aime comme si elle partageait leur sang)
• Ses figures parentales décèdent de vieillesse (parents biologiques et son beau-papa Anatoli)
• Mais elle a retrouvé paix et bonheur dans sa vie au quotidien et vit sa meilleure cottagecore life.