❥ Grand sens des responsabilités ❥  Loyauté sans faille pour son pays, son équipage et les citoyens ❥ Un peu rustre et bourru ❥ Très à l’écoute ❥ Bonté sans pareille ❥  Grand cœur ❥  Maniaque avec son navire... Et celui des autres ❥  Une âme d’aventurier contre vents et marrées, qui lui a déjà joué des tours ❥  Aime un peu trop le cigare mais ses poumons d’acier le vivent bien ❥  Rire tonitruant très reconnaissable ❥  Peur des scorpions ❥  Sang froid à toutes épreuves (sauf quand il y a des scorpions) ❥  Sa sieste est sacrée, à celui qui la dérange, hm  ❥ Borné  ❥  Autoritaire

Le réveil d’Aslan lui tapote le nez chaque matin à cinq heures pétantes. C’est un homme extrêmement matinal, qui apprécie d'ouvrir les yeux sur le «sourire» de son plus fidèle ami, Beam. Un Bouvier bernois âgé de 9 ans, incarnation de la force tranquille et de la bonne humeur.  Un vrai rayon de soleil, qui illuminait même une journée de brouillard. Enfin, Aslan n’est pas très objectif, son chien est le meilleur, le plus beau, le plus tout. Bref, ne le lancez pas sur ce sujet. Après une bonne séance de gratouilles sous les oreilles tombantes et deux bâillements plus tard, le marin  saute sous la douche puis enfile sa tenue fétiche. Son arrivée au port ne passe jamais inaperçue.

« On s’bouge le train les gars ! Le bateau va pas s’préparer tout seul ! Drekk, c’est quoi cette fiente sur la poupe ? »
« Elle vient d’tomber Cap’tain ! »
« Et tu veux qu’j’dise au piaf d’mieux viser ? »

L’équipage rit de concert tandis qu’Aslan continue son inspection journalière, sourire aux lèvres, content de voir ses amis de bonne humeur dès les premiers rayons de soleil. Il tire sur l’un de ses cigares et franchit la passerelle reliant le bateau au quai. Beam trottine pour le rattraper, trop occupé à prendre ses caresses quotidiennes. Sur le port de Phyméris, on ne commence jamais une journée le moral dans les chaussettes, c’est le meilleur moyen de les avoir trempées à la moindre vague.

Aslan fait 2m03 ❥  Montagne de muscles qu’il entretient, il atteint les 118 kg sur la balance ❥  S’assure que ses cheveux blancs soient coupés courts par lui-même ❥  Toujours une barbe de trois jours au visage❥ Peau tannée par le soleil ❥ Ne quitte sa veste blanche que par grande chaleur et la remplace par des débardeurs blancs, noirs ou fleuris quand une certaine chipie l’y force ❥  Toujours habillé d’un jean et de bottes de cuir, question de sécurité sur un bateau ❥  Deux cigares dans la bouche ou rien, il ne doit pas être fait comme les autres ❥  Une cicatrice lui barre le front depuis plusieurs années et il en a d’autres un peu partout sur le corps  ❥  Peut décaper un mur avec ses mains rugueuses (enfin c’est ce qui se dit) ❥ Des yeux bruns perçants

Chrystal applique la mousse à raser sur la mâchoire large d’Aslan avec une extrême douceur.

« Tu sais qu’je peux m’raser tout seul hein. »
« Les cicatrices de rasoir parce que tu n’as aucune délicatesse, ça n’a rien de cool papa. »
« Hmprf...! »

Sa fille avait hérité du même caractère têtu que lui. Et de la fossette creusant sa joue droite à son sourire moqueur, de sa défunte mère. Le marin râle pour la forme. Il chérit chaque moment privilégié passé avec sa fille. Que ce soit pour lui passer le coupe-choux, ou admirer le bleu des mers de Phyméris sur le pont de son bateau. Pour se venger, il frotte l’une de ses mains calleuses sur l’avant-bras de Chrystal.

« Aieuh ! Il n’y a que Beam qui aime tes mains-brosses ! »
« Parce que lui seul les apprécie à leur juste valeur, ingrate ! »

D’un bref aboiement, Beam plussoie ses paroles et vient poser ses pattes sur les genoux d’Aslan.

Un navire parcourt les flots à vitesse de croisière. Le genre de petit bijou que seules des familles très fortunées peuvent s’octroyer. Rien de mieux qu’un voyage en mer pour profiter du magnifique paysage offert par la belle saison. Phyméris reste malgré tout une terre d’imprévue. Aussi radieux qu’ait pu être le soleil, le voilà qui se recouvre progressivement d’une brume. Éparse, elle prend de l'ampleur et bientôt, l’astre lumineux est recouvert jusqu’à totalement disparaître. Lorsqu’un tel phénomène se produit, il est de coutume de patienter et d’attendre que ça passe. Heurter des rocheuses est vite arrivée.

“Ils sont à notre portée Roodhart ! Au signal.” annonce Orbán, le blondinet benjamin, en examinant les remous s’échouant sur leur coque.“Attendons encore un peu, qu’ils abaissent leur garde.”

Ceux-là ne craignent pas le brouillard, pire, ils en font leur allié. Leur chef sait parfaitement que les marins à bord de ce bateau prennent toutes les précautions nécessaires, afin d'assurer la sécurité de leurs occupants. Quelques minutes et les voix audibles jusqu’alors s’éteignent. Roodhart donne le signal. L’abordage est rapide et efficace. En quelques coups de plat de lames et de pommeau, l’équipage adverse est sous leur joug. Ils ne sont pas bien nombreux, seulement quatre hommes. Le groupe de Roodhart n’est pas des plus impressionnant, une dizaine d’hommes et de femmes, rodés à l’exercice. L’auburn s’avance et regarde chaque membre de cette riche famille tour à tour.

“Aucun mal ne vous sera fait tant que vous n’opposerez aucune résistance.”

Le message a visiblement du mal à passer. L’un des marins se lève brusquement et court dans sa direction, bien décidé à ne pas faire figuration. Le poing lourd de l’auburn, chef de la petite bande, s’abat sur son nez et calme ses ardeurs. A regarder de plus près, il est jeune et se fait encore les dents. Roodhart ne lui porte pas plus d’attention et inspecte chaque personne assise sur le parquet, le pas lourd et intimidant. Les caisses de leur propre navire se remplissent des trouvailles de ses camarades. Finissant son tour, le chef retrouve le petit zélé et s'accroupit en face de lui. Son regard se porte sur le collier en or à son cou.

“Quelle valeur tu donnes à cette babiole ? C’est une vraie question.”
Le bleu avale sa salive. “J… Je l’ai acheté très cher !”

Puérile. Son premier salaire peut-être.

“Rood ! On a tout !” crie Diyané une des femmes de son équipage. L'interpellé jette un regard en biais avant de reprendre.
“J’le revendrai tout autant.”

Aslan arrache le collier et se relève, surplombant la bleusaille, qui n’a que ses yeux pour pleurer. Navire pillé, marins bons pour être virés, l’équipage vagabond repart chargé de quoi s’offrir quelques semaines de répit. Lorsqu’il retourne au port, c’est en direction des bas-fonds de Mephala que leurs pas les amènent. Le seul endroit qu’ils n’aient jamais connu. Aucun d’eux ne peut cacher son amertume, lorsque deux tiers du butin durement volé est récupéré par Domhnall MacPhòil, leur despote. Un pion sur l'échiquier de La Famille.


“Ça fait déjà 18 ans…” soupire le capitaine.
“Oui… Et mes souvenirs sont de plus en plus flous…”

Chrystal se blottit dans les bras de son père et tente de retenir ses larmes. Aslan la serre fort contre lui, ses yeux brillants rivés sur la pierre tombale de la seule femme qu’il n’ait jamais aimé. Après toutes ces années, il n’avait pas oublié un seul détail de leur première rencontre et des bons moments passés à ses côtés. Chaque fois qu'il le peut, Aslan ravive les souvenirs de sa fille en lui racontant les courtes années passées tous les trois.


Après quelques petits larcins à droite à gauche, ce n’est que trois semaines plus tard que l’équipage d’Aslan est missionné pour un gros poisson. Le jeune homme de vingt-quatre ans espère qu’il sera plus important que le précédent. Cette fois, c’est une vraie croisière qui les attend, avec la sécurité qui s’impose, depuis le signalement de leurs dernières victimes. Heureusement, Domhnall MacPhòil sait parfois se montrer magnanime. Trente personnes sous ses ordres. Ça réduit la prime mais avec un peu chance, elle sera assez grosse pour tous les contenter.

Les mercenaires sont confiants, aucun n’est à son coup d'essai, leur stratégie est millimétrée, et l’homme à leur tête sait parfaitement comment ramener la prise dans leurs filets. L’imposant paquebot s’est bien éloigné des côtes, il n’a plus aucune chance de fuir leur caravelle pour rejoindre le rivage. Skyler, le canonnier, fait le point avec ses artilleurs. Le paquebot passera devant leur cachette - d’imposant rochers tout juste à la bonne taille pour les dissimuler -, d’ici dix minutes. Leur informateur était formel.

Le laps de temps écoulé, les pilleurs ne perdent pas une seconde. Ils quittent leur cachette, prennent de court les honnêtes marins et abordent le bateau de croisière. L’un des hommes d’Aslan prend une jeune bourgeoise en otage, couteau sous la gorge. Quelque chose cloche. Tout est trop calme. L’atmosphère est pesante, personne ne fait plus un geste. L’air devient lourd, le vent cesse de souffler, comme lui-même intimidé par la scène.

“Aarg !”

Stupeur sur les visages. L’otage vient de planter sa dague dans la cuisse de son ravisseur ! Le pont devient un véritable champ de bataille en un battement de cils. Ils se sont fait avoir. Des marins déguisés pour endormir leur vigilance. Le vrai paquebot de croisière ne suivra jamais cet itinéraire. Aslan voit rouge, fait face au surnombre, mais se retrouve bien vite dépassé malgré sa carrure imposante. Un coup de pied à l'arrière du genou et de pommeau derrière la tête et le voilà genou à terre, cinq pointes de lames contre la nuque. Une nouvelle fois, le temps s’arrête. Des pas se rapprochent du chef des brigands, légers mais déterminés.

“Plus c’est gros, plus ça passe. Qu’est-ce que tu en penses, Roodhart ?”

L’auburn ne répond rien, son souffle erratique et la rage dans son regard parlent d'eux-mêmes. Son plan était parfait, mais cette femme l’a pris de court. Jamais il n’aurait pu imaginer un tel subterfuge.

“Commandante Pearl, ils sont une bonne trentaine !”
“Bien. Emmenons-les au Maire, il décidera de leur sort.”

Son ton s’assombrit alors qu’elle remet une mèche brune derrière son oreille. Sa fossette droite creusant sa peau bronzée. Leur sort, Olivia en avait déjà une petite idée. Seul l’exil attendait ce genre de crapules !


“En tant que chef de cet équipage, je vous demande de me punir moi seul. Je prendrai pour chacun d’eux s’il le faut.”

Personne ne s’attendait à ça. Qu’un mercenaire bon qu’à piller les autres puisse avoir un tel sens du sacrifice. Alberto prend un temps de réflexion et propose une alternative, somme toute aussi surprenante. L’exil, comme il était prévu de punir les crimes tels qu’ils avaient commis, ou des travaux d’intérêt généraux, sur une durée qu’il déterminera plus tard, ainsi qu’une obligation d’intégration à la population de Phyméris avec toutes les responsabilités que cela implique. Bien entendu, cette alternative n'est pas réservée à tous. Phyméris est une petite île. Les plus dangereux déjà recensés ne verront aucune indulgence leur être accordée.

Les raisons d’une telle proposition ? Ils n’avaient jusqu’à présent jamais blessé aucune de leurs victimes -si ce n’est un jeune marin un tantinet téméraire-, le milieu dans lequel ils avaient grandi n’était pas des plus sains et enfin, leur talent. Cinq ans qu’ils s’étaient fait un nom sans jamais se faire attraper. Avoir de tels membres dans l’équipage de l’île serait un atout considérable pour le village. Ils seraient capables de déjouer les pillages d'autres pirates de bas étage sans problème. Tout cela, en échange d’un travail honnête, pour une vie honnête. Olivia conteste avec ferveur cette proposition mais cela n’y change rien !

Sans surprise, beaucoup d’hommes et de femmes refusent la chance offerte par le Maire. Par fierté ou simple attachement à leur pseudo liberté. Beaucoup, mais pas Aslan. Des années qu’il espère mettre assez de côté pour quitter ce trou à rat où il crèche, et voilà qu’en échange de quelques dédommagements, on lui offre sur un plateau. C’était une aubaine, une aubaine qu’il n’allait pas laisser filer entre ses doigts.

“J’accepte. Merci pour votre clémence.”

S'ensuit une ribambelle d'insultes à son encontre. Traître, vendu, c**illes molles, enf**ré sans honneur, ça n’en finit pas. Malgré leur situation, Aslan juge bon de leur rappeler à qui ils s’adressent.

“Vos gu**les ! Bande d’abr*tis, vous comptez rester les chiens d’MacPhòil combien d’temps encore ?! Hein ?!”

Sa voix grave jette un froid dans la pièce. Silence. Ses paroles ramènent quatre d’entre eux à la raison, mais les autres n’en démordront pas. Sur les trente, une petite douzaine se voit offrir l'opportunité de changer complètement de vie et de rester sous ses ordres.


Pendant deux ans, Aslan et ses amis qui avaient bien voulu le suivre, durent payer leurs dettes. Entre travailler sur les divers projets de constructions ou récurer les différents navires du port, ils n’avaient pas une minute à eux. Olivia, toujours mécontente du jugement rendu, demanda régulièrement de les chaperonner sur les six premiers mois. Durée durant laquelle Aslan, à la langue bien pendue, ne manqua jamais une occasion de la provoquer.

“C’est parce que t’as plus d’poissons intéressants à pêcher qu’tu viens nous surveiller ?”
“J’en vois surtout un qui ne frotte pas assez fort et qui retournera à l’eau.” Olivia croisa ses bottes rouges sur le tonneau en face d’elle.
“Ca t’fout la rage hein, qu’une bande de crapules sans foi ni loi touche à ton p’tit bijou ?”
“En effet, le voir plus crasseux qu’à l’origine, ça m’donne des envies d’abordage, mais de haut vol, pas cette embuscade bas de gamme que tu nous as servi.” Encore sa fossette au coin de la joue.
“J’savais pas qu’les marins d’Phyméris faisaient dans les robes à froufrou. J’mettrai un nœud pap’ la prochaine fois.”

Olivia éclate de rire. Aslan tombe sous le charme de ce tintement cristallin, puissant et mélodieux. Pour son plus grand malheur, la trêve est de courte durée.

“Y’aura pas d’prochaine fois. Frotte !”

Sur ces mots, elle quitte son poste de surveillance pour aller inspecter le travail des autres. Ce fut ainsi pendant une année entière, jusqu’à ce qu’Olivia apprenne à mieux les connaître et comprenne qu’ils n’étaient pas foncièrement mauvais. La jeune femme, d’un an son aînée, avait commencé à remettre en question son jugement quelques mois plus tôt, mais sa fierté l'avait empêchée de l’admettre.

Le temps passa et récurer le pont du navire devint une occasion de se lancer de la mousse au visage. Le déjeuner, une autre de manger sur la proue à l’écart des autres. Les temps de repos, le moment idéal pour faire trempette à la plage. Ils devinrent inséparables et Aslan travailla dur pour obtenir la confiance des citoyens du village. Il leur était reconnaissant de lui avoir laissé une chance malgré leur méfiance, voire rancœur pour certains.

Lorsque le Maire décida qu’au bout de deux ans de travaux généraux, l’heure était venue de passer à la deuxième partie de leur sanction, Aslan fit ce qui lui trottait dans la tête depuis des mois. Noeud papillon autour du cou pour l’occasion, Olivia peina à cesser de glousser pour lui répondre “oui”. A cet instant, l’auburn prit une grande décision. Désormais Aslan Roodhart ne serait plus qu’une relique du passé. Son avenir s'écrira en tant qu’Aslan Pearl, auprès de celle avec qui il souhaitait rédiger ce nouveau chapitre de sa vie.


Aujourd’hui n’est pas un jour de pêche comme les autres. Chrystal, trois ans, a presque appris à nager avant de marcher. L’océan ne lui fait pas peur, comment le pourrait-t-il avec des parents comme les siens ? Parfois on se demandait s’ils ne cachaient pas des branchies sous leurs vêtements. Aslan et Olivia lèvent l’ancre pour une petite promenade en mer. Au large, le marin décide de piquer une petite tête, rapidement rejoint par sa petite famille, Chrystal bien installée dans sa bouée. Ils sont bien les seuls à s’autoriser ce genre de folie.

En pleine exploration des fonds marins - pas si profond à cet endroit-, Aslan fait une drôle de découverte. Un œuf. Du moins, cela y ressemble beaucoup malgré sa taille démesurée. Là, dans un banc de coraux, comme si on y l’avait soigneusement posé. Sans trop d’hésitation, le marin le ramène à la surface et ils passent un temps fou à examiner la trouvaille sur le pont du navire. Ni Aslan ni Olivia n'ont déjà vu un œuf aussi gros. Chrystal ne se pose pas trop de question avant d’enlacer la coquille de ses petits bras.

“Le véto devrait bien avoir une idée de son espèce.”Relève Aslan en frottant la surface lisse.

A peine ramené sur la terre ferme, l'œuf devient vite l’attraction du village ! Difficile en même temps de passer inaperçue avec lui dans les bras. Pendant des jours, vétérinaires et érudits étudient le spécimen, sans jamais trouver une seule espèce de Phyméris correspondante. Aslan rend souvent visite à la clinique pour avoir des nouvelles, c’est qu’il s’y est attaché à cet œuf, sans même savoir ce qui s’y cache.


Chrystal sanglote à chaudes larmes dans les bras de son père, trempée jusqu’aux os. Aslan la serre contre lui comme s’il pouvait la perdre à tout moment.

“On l’a pas retrouvé Aslan… Leur bateau a heurté les rocheuses et seul Margo a survécu et sauvé la p’tite…”

Drekk pose sa main sur l’épaule de son ami, appuie fortement son soutien avant de retourner aider les autres blessés. Une tempête, une seule foutue tempête pour tout foutre en l’air. Sept ans, sept pauvres années, et voici la fin du chapitre. Ce matin encore, tous les trois dégustaient un bon petit déjeuner tout chaud, préparé en chantant la chanson préférée de leur fille. Celle qui avait bercé ses siestes au rythme des vagues.

“Vent, vent, souffle fort, dans mes voiles étendues…
Mer, mer, déchaînée, je vogue sur tes eaux…”

Sa voix tremble à mesure que les larmes s’écoulent de ses yeux.

“Terre, terre, droit devant, sur tes côtes j’afflue…
Petite perle dans le sable tu… Tu… Pardon, pardon… j’ai pas pu sauver maman… J’ai pas pu…”


“Et pourquoi je dois faire tout çaaa ? Je veux aller sur la mer !”
“Tu quitteras pas ce port tant que t’auras pas tout retenu !”
“Mais papaaa !”
“Seule en mer tu n’auras que ta tête et ton sang froid pour te sauver. Alors au boulot matelote !”

Chrystal traîne des pieds en bougonnant, elle en a assez de réviser ses nœuds, ses positions de voiles et tutti quanti. C’est bon, elle est prête ! Et puis, à 10 ans, elle voudrait bien être la plus jeune navigatrice du village ! La jeune fille se place devant les rouleaux de cordes face à elle. Bon la vérité, c’est qu’elle s’emmêle encore un peu les pinceaux sur certains, mais ce n’était pas siii important, si ?

“Fais-moi un noeud d’taquet.”

Ce dernier sert aussi bien à s’amarrer que pour diverses attaches.

“Ok !”

Bien décidée à montrer son savoir-faire, Chrystal commença à enrouler un bout de corde autour du taquet. Le début commençait bien, mais Aslan lève les sourcils sur la fin.

“C’est pas un noeud d’taquet ça. Regarde bien. Ta corde doit passer sur le tour mort et non sur le dessus du nœud, sinon tu pourras jamais l’défaire sous tension.”
“Mais ils sont tous pareils…” Ronchonne Chrystal.
“Quelqu’un vient d’reculer son départ en mer.”
“Mais papaaa !”

Et il ne plaisante qu’à moitié. Olivia ne lui pardonnerait jamais de laisser leur fille partir sans être parfaitement préparée.


C’est jour de pêche. Les différents équipages du port se préparent à partir. Comme à son habitude, Beam apprécie le vent qui s’engouffre sous ses oreilles, les pattes pendantes au bord du quai, respirant l’air marin. Aslan qui passe à ses côtés, s’accroupit pour lui caresser la tête. Encore tout jeune, le bouvier lui saute dessus pour, comme on dit, lui faire la fête. Il était issu de la portée de la chienne de Xinyue. Une membre de son équipage et amie proche. Chrystal et lui avaient tout de suite fondu devant cette petite bouille, mais surtout Chrystal, bien sûr. Quel père ne ferait pas plaisir à sa fille ?

“Papa… ?”

Avant même qu’elle dise un mot de plus, Aslan tire sur ses deux cigares en même temps et lui jette un regard en biais. Pas intimidée pour un sous, l’adolescente continue sur sa lancée.

“J’ai quatorze ans maintenant, laisse-moi prendre l’albarquel ! J’vais gérer j’te jure !”

Rien que ça. Durant toutes les années suivant la mort de sa femme, Aslan avait combattu la peur de perdre aussi sa fille en mer. Cette peur, plusieurs fois lui avait crié de l’interdire de voguer sur les flots ; mais leur amour pour l’océan et les souvenirs de sa bien aimée lui interdisent une telle injustice. C’est pour cette raison qu’il s’était montré extrêmement stricte sur son apprentissage. D’autant plus lorsque Chrystal est arrivée un jour, toute guillerette, pour lui annoncer qu’elle souhaitait devenir océanologue et étudier les fonds marins.

“Dernier test.”
“Balance !” S’exclame la jeune apprentie, heureuse d’avoir enfin sa chance.
“Tu es en vent debout et doit absolument aller face au vent, que fais-tu ?”
“Je louvoie en maintenant un angle d’au moins 45° de l’axe du vent !”
“Ok. Un vent fort se lève et la mer s’agite de plus en plus. Je t’écoute.”

Si sa réponse n’est pas parfaite, celle d’Aslan sera catégorique. Chrystal se doutait qu’elle n’avait pas droit à l’erreur et pris le temps d’organiser ses pensées.

“Je prends la cape… Je vire de bord sans toucher aux voiles, comme ça… J’ai mon foc à contre vent, je choque la grand-voile et tourne la barre à son opposé ! En jouant avec la grand-voile, je trouve l’équilibre entre l’allure de près ou de travers !”

Aslan sourit et passe sa main dans les cheveux bruns de sa fille. Tout le monde savait à quel point il est fier d’elle et d’autant plus aujourd’hui.

“Va préparer ton albarquel Miss Pearl !”
“T’es le meilleur !”

Chrystal part en trombe le long du quai jusqu’au bateau qui l’intéresse tant. Aslan rejoint son équipage de son côté et annonce leur futur départ.

“Affalez les voiles !”

Ils voudraient bien mais… Quelque chose empêche les voiles de se déployer. Malgré tous les efforts du monde. Aslan entend un petit ricanement derrière l’une des caisses posée sur le pont.

“Shaki ! Détache-moi ces voiles avant qu’j’t’attache au mât !”

Et il avait intérêt à s’exécuter, s’il ne voulait pas que tout le monde sache comme avoir l’eau au-dessus des genoux l’effrayait. Le capitaine marmonna dans sa barbe en se dirigeant vers la barre.

“Pas possible ça, dangereux un gosse pareil sur un bateau, me l’ferait couler…”


Les années ont passé et jusqu’à maintenant, Aslan n’est jamais parvenu à réaliser son rêve. Découvrir une autre île au-delà de Phyméris. Il a beau essayer, réessayer encore, l’océan et les éléments lui résistent ! Comme il le dit toujours, la mer est à la fois sa meilleure amie et sa pire ennemie. Mais il n’abandonnera pas. Comme il n’abandonnera jamais de faire savoir à Reem qu’il sait qu’elle triche aux cartes à l’instant même ! Ça ne l’étonnerait même pas qu’elle lui sorte un “ma maison, mes règles mon chou”.

Après avoir injustement perdu selon lui, le capitaine du port de Phyméris se lève et s’étire de tout son long. Non sans lâcher qu’il se pourrait qu’il ait cassé le miroir des toilettes tout à l’heure, par inadvertance. Son rire tonitruant emplit le bar tandis qu’il franchit les portes. Il a un rendez-vous important avec son fils des mers, Shaki. Une partie de bataille navale à bord du Golden Rover, la caravelle attitrée de son équipage, en hommage au bon vieux temps passé ensemble. Demain la vraie bataille ferait rage, lorsqu’il retentera sa chance de passer la muraille de brume.

Résumé: