break the wheel - Niko + Jul

A droite,      à gauche,             au milieu de la route..        
Le trajet n’a rien d’anormal pour Nikolai, c’est une fin de soirée des plus habituelles avec la route qui danse sous les pneus du vélo et les étoiles qui s’amusent à brouiller sa vue. Autant dire que les obstacles n’avaient pas manqué, il les avait tous pris de plein fouet– encore. Et c’est un mystère que Nikolai arrive encore à rentrer chez lui entier;             un,        deux,         trois étages,
c’est long, si long, le vélo a même été abandonné sur le palier sans même qu’il ne constate la roue absente. C’est que tout tourne, on ne peut qu’avoir un sourire satisfait en faisant face à sa porte, râler en manquant la serrure   une, deux, trois fois avant de pouvoir enfin aller s’écrouler dans son lit ou avait-il pris une douche avant ? Tout s’embrouille, c’est comme être sur un bâteau une fois couché dans les draps frais,

Alors ça fait mal à la tête le lendemain.
Nikolai n’a pas manqué à ses réveils matinaux, n’a que souffert une fois de plus des répercussions de ses âneries, comme un idiot, peine à reconstituer sa soirée, laisse des morceaux tomber dans l’oubli en faisant couler un café. Il a la gorge qui gratte, ne peut que râler en se demandant s’il avait fini un paquet ce soir-là pendant que l’aspirine se dissout dans son verre d’eau. Si le réveil est toujours aussi matinal, le ciel encore teinté de nuit, Nikolai doit bien s’avouer qu’il a encore un peu trop joué quand il lui semble avoir des lames de rasoir secouées dans le crâne. Et il couine tellement quand il se rappelle la promesse d’aider au café aujourd’hui, ne sait pas s’il est heureux ou non de cette distraction quand il est bien difficile de démarrer la journée. Il lui faut bien forcer les choses, laver le visage encore renfrogné des abus de la veille (quelles cernes ! quelle peau terne!) à l’eau glaciale pour enfin se réveiller et siroter son premier café déjà tiède en choisissant ses habits pour la journée. Ce matin, il n’y a pas le temps de vivoter, essayer deux, trois tenues, puisqu’on toque à sa porte et surpris, Nikolai s’en va ouvrir, la chemise débraillée et encore en train d'enfiler une manche du gilet épais.

Quelle surprise de trouver son voisin sur le palier.. avec la roue de son vélo. Si la stupeur reste un instant sur les traits, il lui faut bien vite rire face à l’improbable tableau, pincer l’arête du nez dans un air trop amusé pour être vraiment exaspéré.

– Ma roue ! Salut Jules, ouais c’est ma roue, j’ai encore du malmener mon vélo hier, c’était quand même bien pratique les taxis dans la vie de tous les jours, je m’y fais toujours pas à ce truc..

La main se tend, récupère la roue pour bêtement, après avoir vu le vélo à côté de la porte, la poser avec le pauvre reste de la bicyclette. Nikolai soupire, passe une main nonchalante dans les cheveux en pagaille alors qu’il semble réfléchir. C’est que Nikolai n’est pas du genre à se sentir redevable, n’a jamais voulu avoir de compte à rendre, a préféré prendre et sourire sans rendre une miette s’il le pouvait. Mais Jules a toujours été un voisin exemplaire, lui et sa petite maison, avec son adorable chat. Il ne s’est jamais plaint du boucan (et il le sait bien, qu’il est un boucan sans fin), a toujours été serviable, alors cette fois, peut-être, on se pousse du pas de la porte pour dévoiler la pièce de vie de son chez-lui, un sourire fin au visage, un peu navré, juste un peu.

– C’est sympa de me l’avoir ramené j’ai dû faire un sacré bordel, allez je t’offre le café pour la peine.

Ca lui semble toujours étrange d’inviter quelqu’un chez lui, de laisser les pas franchir la porte mais il peut bien le tolérer, se plait toujours un peu à étaler toute cette décoration venue couvrir les murs jadis tous couverts d’un blanc trop fade. C’est si vert désormais. Sur les murs, le blanc cassé joue avec des teintes plus chaudes, cadres et miroirs s’y détachant, certains à moitié cachés par les plantes. Car oui, c’est bien ce qui doit toujours primer lorsqu’on observe la pièce :  cuisine, salon, tout se noie dans la verdure, ça déborde, là, des feuilles qui chatouillent l’accoudoir du canapé, d’autres qui ombragent la table basse, des fleurs encore fraîches sur la bibliothèque, des plantes, encore et encore, devant les fenêtres, aux murs, au sol, il a bien peiné à leur trouver une place, oui, mais ça lui correspond bien désormais tout ça.
Un sourire à son invité et il l’invite à s’enfoncer dans le canapé alors qu’il ne lui a pas vraiment laissé le choix de fuir ce café matinal –qu’il accepte donc sa générosité désintéressée pour une fois.

– Caramel macchiato, non, cappuccino c’est ça ?  Laisse-moi deux minutes.

Il se plaît à préparer le café comme il le fait à la boutique (c’est si relaxant) et vient tirer le pouf en face de la table basse pour s’asseoir face à son voisin une fois la tasse déposée, son verre d’aspirine toujours à la main.

– Hop, j’espère que ça compensera le sport des trois étages pour ramener ma roue.. Et sûrement le bruit cette nuit.

C’est que le sourire ne semble même pas coupable lorsqu’il continue à siroter son médicament.