Not looking for salvation – ft Reem

Les rues sont peintes toute de noir lorsque Séraphine sort de son bureau. Elle a passé la soirée seule, penchée sur la paperasse qui traîne comme si sa vie en dépendait, peut-être parce qu’elle ne peut pas s’empêcher de s’en convaincre pour vivre en paix. Elle n’y est même pas forcée contrairement à ce que ses soupirs lassés peuvent laisser penser, non. Elle a toujours été comme ça Séraphine ; une acharnée du travail et pourtant sur Phymeris, chaque effort la laisse plus aigrie. Comme si elle refusait à chaque instant de montrer un intérêt même fugace pour cette vie qu’elle n’a pas choisi. Pourtant Séraphine s’est attachée à cette vie et ses habitudes. Pourtant c’est avec une satisfaction qu’elle fait claquer les talons une fois de plus jusqu’au Funny, le lieu le plus farfelu de ses lieux préférés mais celui qu’elle chérit le plus sans jamais l’admettre. C’est qu’il y a une buraliste ici qu’on aime un peu et qu’on fuit beaucoup sans pouvoir s’empêcher de se pointer au tabac tous les soirs (fichue addiction, elle aurait dû ne jamais s’y mettre). Et Reem c’est comme voir son reflet déformé par trop d’années sur Phymeris. Séraphine regarde sa montre, accélère le pas en rêvant déjà du calme de son chez-elle, un bon bain chaud et la douceur d’une cigarette sur son balcon, glissée dans son peignoir bien chaud, oui, le doux confort après l’effort. Mais il lui faut bien se réapprovisionner une fois encore. Ah, elle voit encore cette ressemblance qu’elle refuse, là, en passant la porte ce soir-là aussi ; Séraphine pourrait elle-aussi devenir cette femme qui a perdu tout son panache. Et c’est inimaginable pour la femme d’affaire de voir le bonheur de cette vie simple, ah, elle ne peut pas, non. C’est plus fort qu’elle, ça l’agace même, Séraphine, ce sourire satisfait et ce regard qui porte les “je suis passée par là”. Ca l’agace parce qu’après tout, Séraphine est attachée à ce sourire et ces remarques énervantes lorsque la voix s’élève toujours pour réclamer son dû, toujours le même depuis ces années passées ici.

– Bonsoir Reem, même chose que d’habitude s’il-vous-plaît.

La voix calme, elle pose son sac sur le comptoir, comme toujours, fouille la poche à la recherche de son portefeuille, comme toujours (aimerait tant que ça ne soit pas si familier) pose directement la somme devant la tenancière du Funny et a encore le visage tout tendu de sa journée quand elle a le regard qui coule dans le sien (comme elle aimerait que ça ne soit pas si plaisant, cette routine si calme). Et Séraphine est déjà prête à supporter les remontrances de Reem quant à sa consommation excessive, affiche déjà l’air le plus placide de toutes ses figures de marbre alors que les ongles claquent sur le comptoir.
Pourtant, il est si apaisant, le visage de Reem                                (juste un peu)