I paint my face with glitter in the morning light — ft. Leon

Les rayons du soleil ont transpercé ta frange, mèches de cheveux mal coupées qui retombaient nonchalamment sur tes yeux tandis que le sommeil les avait forcé à se fermer. Et alors que tes pupilles s’habituent à l’absence d’obscurité, comme chaque jour depuis que tu t’es réveillée sur cette île, il te faut un temps pour comprendre que tu n’es plus enfermée. Dès que tes pieds touchent le sol, te voilà déjà prête à entamer la journée, la vitalité qui puise sa force dans ta liberté.

Dans cette grande maison, il y a toujours du bruit d’une façon ou d’une autre. Mouvement, cri, chant, cascade et autre gaffe du quotidien, tu slalomes entre le bazar et le chaos esthétique, des aller-retours entre ta chambre et ton « bureau » —un coin de votre salon qui faisait également office de chambre pour un des membres de la coloc—, fourrant les nouveaux produits dans ton sac après avoir appliqué quelques autres artifices sur tes yeux et tes lèvres.

A peine habillée, tu fais un dernier passage dans ta chambre pour admirer le résultat dans le miroir, t’arrêtant un instant en voyant le reflet de ta garde robe dans celui-ci. La tenue orange te fait retourner avant que tu ne quittes finalement la demeure en emportant tes nouveautés avec toi, sous le bras.

Arrivée à l’auberge, tes chaussures hautes écrasent le plancher sans discrétion alors que tu salues d’un grand sourire les quelques visages familiers que tu croises en longeant les couloirs. Le sac dans une main, tu viens tambouriner la porte de la chambre de Leon une fois arrivée en face.


« Bg, c’est Sid !! J’espère que t’es prêt à slay pour un autre day ! »


Tu jettes un coup d’œil curieux sur le panier en osier qui lui sert de boîte aux lettres et tu ajoutes.


« T’as lu ma lettre, hein ? »

Derrière la porte, la voix est incertaine, mais il t’en faut peu pour ouvrir la porte avant même que l’autorisation te soit entièrement donnée. Après tout, ce n’était que Leon, et ce n’était que toi, quelque soit l’état dans lequel tu allais le trouver, tu avais suffisamment vu de chose dans ta vie pour ne pas en être trop secouée. Fort heureusement, ce n’est que son air benêt que tu rencontra, cet air faussement assuré alors qu’il assurait avoir lu ta lettre. Tes joues se gonflent légèrement en gloussant, tandis que tu refermes la porte derrière toi.


« Je vais te croire, même si ton visage et l’odeur de la lettre dans ton panier me disent un peu le contraire. »


Fallait avouer que tu parfumais beaucoup trop tes lettres, tentatives désespérées de détourner l’attention des lecteurs de ton écriture d’enfant maladroit. Pour autant, les paroles de Leon ne semblaient pas t’offenser. Après tout, maintenant que tu étais là, il était prévenu alors qu’il ait lu ta lettre ou non n’avait plus grande importance.

Alors tu pénètres la chambre avec aisance, tu t’installes, tu t’étales, le regard qui déborde et le sourire qui éclate. Pour un inconnu, tu aurais presque été trop intrusive mais pour un ami, ou même une simple connaissance, c’était un tempérament auquel ton entourage été habitué.


« Comment veux-tu que je dorme quand j’ai l’image de toi avec le visage plein de paillettes qui hante mes nuits ? »


Tes doigts ouvrent le zip de ton sac pour en sortir des gros pots, chacun affublé d’une étiquette de couleur et de motifs griffonnés au crayon par dessus.


« J’étais tellement excitée, j’ai failli débarquer au lever du soleil. Mais je me suis dit que tu serais capable de me foutre dehors, haha ! »


Ton ricanement résonne alors que tes ongles claquent. Tu te retournes d’un coup en dégageant tes épaules de tes mèches bleu acier.


« Oh mais Besti, t’es trop mimi à jouer les innocents, comme ça. J’ai prévu de faire de toi mon petit testeur de glitter ! Tu vas voir, tu vas kiffer.  »


Tu faisais un bel effort pour ne pas t’emporter, Sid. Mais l’excitation débordait de tes prunelles, on pourrait s’y noyer.

D’un geste assuré, tu ramasses tes mèches bleutées en une queue de cheval improvisée. Les cils qui battent un peu devant tes pupilles alors que tu enfiles tes gants et prépares un pinceau ainsi qu’un petit récipient pour prélever la quantité nécessaire de paillette à tester. Oh, tu aurais bien pu faire ça à l’arrache, en foutre partout, sur les doigts et sur les joues, jusqu’au cou. Mais tu voulais rendre ça un peu professionnel, jouer un peu les grandes dames, faire ça dans les règles de l’art parce que c’est bien de ça dont il s’agissait.

Parfois, t’oubliais que le métier de Léon faisait qu’il était pas forcément là aux mêmes horaires que tout le monde. Si t’avais écouté ton enthousiasme insomniaque, tu te serais retrouvée bien conne à taper à une porte qui ne risquerait pas de s’ouvrir. Cette pensée te fait ricaner alors que tu inspectes les reflets mauves dorés du pot que tu viens d’ouvrir.


« T’imagines ?? J’pense j’aurais réveillé toute l’auberge à force de taper à ta porte, la honte ! »


Oh, tu dis ça comme si tu étais vraiment embarrassée mais au fond, ça aurait juste fait une histoire drôle à raconter. Et, en toute honnêteté, tu trouvais que sur ce point, tu t’étais améliorée. Il fut un temps, une époque, un monde où tu aurais même fait exprès de te pointer, de réveiller tout le quartier, de gueuler jusqu’à en perdre voix, énergie et même l’esprit. Comme quoi, cette seconde prison avait aussi ses leçons.


« Tu préfères quoi comme couleur ? Je te vois bien avec celle-ci, un peu triangle sapin vert, en mode Daddy Noël, tu voies l'genre ? »


Tu t’approches du garçon avec trois couches de paillettes distinctes étalées sur l’avant bras. La première, que tu pointes, à des teintes  forestières mais aux reflets émeraude, les pailles grosses et tout en angle, comme des étoiles ou des losanges. La seconde, juste à côté, est plus rosée, des cœurs et des micro perles nacrées, un peu orange, un peu violacée. Enfin, la dernière, froide, glaciale même, assorties à tes cheveux, diamant bleu en forme et couleur, une touche de blanc divin pour aveugler encore. Tu bouges légèrement ton bras pour jouer avec la lumière, tes yeux qui s’accrochent aux prunelles de ton ami.


« On peut aussi tout mélanger ou faire des sections pour tout essayer ! C’est comme tu veux, bg. »


Toi, t’avais juste envie de tout faire briller, de tout éclairer. Parce que ça faisait longtemps que t’avais pas eu un si beau résultat, et fallait dire que les victoires, t’en collectionnais pas des tas.


« Puis si t’as des envies aussi, des remarques ou quoi, tu me dis, hein ? »