FB - faithful arrows (alistaire)

FB - faithful arrows (alistaire)par **Natalia Hovrath** Sam 6 Jan 2024 - 19:18

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inflected at the battle
with faithful arrows

alistaire

Des fois, on lui dit qu'elle n'en fait qu'à sa tête c'est franchement faux. qu'elle laisse sa porte ouverte, part en trombe
; qu'elle regarde pas vraiment là où elle marche quand elle a des feuillets plein les bras mais c'est pas sa faute,
ce sont les autres qui sont sur sa route !

C'est qu'elle a des mèches qui se glissent dans les yeux, le vent qui bat le visage ; pas le temps de remettre ses cheveux en place, alors elle tournicote un stylo dans les nœuds rougeâtres en espérant qu'il tiendra jusqu'au cottage.
C'est qu'elle a tant de choses à lui dire, et que si elle ne se presse pas,
elle risque de faire tomber toutes les pensées par terre (en vrac,
mélangées à la terre, personne ne comprendrait, alors .)

Ce serait dommage, et ça n'aiderait pas le vieux
parce qu'elle ne sait pas vraiment comment faire, qu'il ne l'écoute plus vraiment, elle croit - ne l'a-t-il jamais écoutée ?
Peut-être faisait-il semblant.
Quand elle insiste, et répète, et prononce Alistaire, tu m'écoutes ?
qu'il hoche la tête sans conviction et qu'elle recommence
parce qu'elle ne sait pas vraiment comment faire.

Et elle, elle veut vraiment l'aider. Percer les mystères de leur drame, surtout. Mais ça l'aide, ça, non ?

Le veut tant qu'elle n'a pas vu la route, ni les habitant.es la saluer

mince, tant pis,
désolée, elle s'arrêtera une prochaine fois !

jusqu'à atteindre la maison qu'elle connaît bien.
- Encore une qui a bordé son enfance, elle pense.
Des planches qu'elle a longé en large et en travers pour ne pas rentrer, une famille à emprunter, de même que ses murs et leur chaleur et les bons petits plats

mais il n'y a plus d'odeur de gâteau, ces temps ci.

Il n'y a plus vraiment grand chose, ces temps ci.

Ali, c'est moi !

Qui ça ? Elle
il le sait, non ?

C'est pas comme s'il avait beaucoup de visiteurs.

C'est Natalia elle dit, quand même. Peut-être qu'il ne sait plus
il sait de moins en moins, à ce qu'on dit.

Il y a un grand fracas qui l'annonce avant même qu'elle ne puisse se dégager pour lever un bras, les phalanges prêtes à toquer à sa porte. C'est souvent ça,
il y souvent du fracas.
Et des feuilles partout par terre, qu'elle ramasse d'une main trop occupée, plisse le papier, merde-, les cheveux qui se défont et lui mangent le visage, merde deux fois
car elle ne voit plus rien à là où elle fout les doigts.

Ali ouvre moi ! toutes les notes sont en vrac sous son bras, et tant pis si elle a du mal se relire. Elle cogne à la porte, la main enfin dégagée
suffisamment pour revenir une fois, deux fois ; peut-être trois contre le bois. j'ai pleeeein de trucs à te montrer, tu vas voir !

Parfois, souvent, il regarde le plafond.
Simplement et sans penser.

Et ça dure, dure un peu trop longtemps. Mais il ne s’en rend pas compte. Non, Alistaire ne se rend compte de rien. Plus maintenant. Fini, fini ce temps-là - lointain, même. Alors il se contente de regarder le plafond, assis sur le canapé. Il n’y a plus un bruit dans la maison, il n’y a plus âme qui vive. Parfois, Alistaire se relève lorsque la faim le démange, ne serait-ce que légèrement. Il donne à manger au chien, mais le chien préfère sortir pour aller quémander ailleurs. Les volets sont fermés, ils laissent filtrer une lumière douce à travers le bois. Il ignore si c’est le matin ou l’après-midi. Si le soleil se lève ou s’il se couche.

Il ne s’en préoccupe pas. Il ne se préoccupe plus de grand-chose. Alistaire a mal, il a mal à en crever. Le bras, le cœur, et toutes ses pensées. Il est idiot, douloureusement idiot. Non, il aurait préféré en mourir.

Et son nom. Ah, il l’avait presque oublié, ces derniers jours.
C’est toi. Qui ? Toi. Oui c’est bien assez.

Il ne bouge pas pour autant. Non, Alistaire ne bouge plus. Vous êtes nombreux, vous qui venez frapper à la porte. Trop nombreux, bien trop à son goût. Il voudrait être seul, encore quelques instants, quelques jours, semaines. Depuis combien de temps est-il seul ? Il ferme les yeux, comme si le chahut que tu provoques pouvait simplement disparaître par ce simple geste. Mais tu frappes pourtant, une fois, deux fois et trois fois.

Il finit, il daigne bouger. Il sent ses os craquer les uns contre les autres; comme s’il était resté trop longtemps immobile. Il tangue alors, il bascule jusqu’à la porte d’entrée. L’équilibre, ce n’est plus vraiment d’actualité non plus. Et tu frappes encore, c’est presque agaçant.

Il essaye d’ouvrir la porte, mais son bras n’est plus là.
Il grimace, et cherche la poignée de l’autre.

Et te voilà, avec tes cheveux en bataille et des notes plein les bras. Il t’examine, la porte entrouverte, sans conscience de son état, ni de l’odeur rance de renfermé qui s’échappe de la maison restée trop longtemps fermée. Il a des cernes violacées et les cheveux en vrac, un air apathique - à se demander quand fut la dernière fois qu’il a dormi ou s’est lavé. Et toi et ton air solaire, ça lui ferait presque plisser les yeux un peu trop fort. Ou bien est-ce parce qu’il n’a pas vu la lumière du jour depuis trop longtemps.

Ce n’est pas un bonjour, le bonjour habituel qu’il t’offre depuis que tu es môme, depuis que tu viens te réfugier dans le cottage. Non, c’est un “qu’est-ce que tu veux ?” fatigué, et rauque d’une voix qu’il ne sait plus utiliser.

agora

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inflected at the battle
with faithful arrows

alistaire

Lorsque la porte se déverrouille, elle sourit aveuglément
ne voit ni les yeux vides ni l'air qui n'inspire que les larmes au bord du cœur, ne voit pas non plus la teneur de l'accueil,
les phalanges usées qui n'ouvrent pas vraiment.
Elle ne voit rien de tout ça, Natalia
refuse l'état d'Alistaire et toutes les vérités du malheur ancré en gras,
en gros et en noir sur les traits las.

tiens, coucou Ali souffle sur une mèche : elle ne fait que retomber un peu plus loin, volète et se loge mollement sur le vert de son œil
avant de s'avancer, impose son entrée dans l'espace à peine ouvert par l'aîné.

C'est toujours comme ça, pas vrai Alistaire,
toujours comme ça qu'elle a fait chez vous
( on dit chez toi, maintenant, c'est ça ? ) pas vrai ?

Un baiser déposé sur la tempe par réflexe pour gratifier son passage, t'as vraiment une sale mine, tu sais ?
ou pour excuser les paroles crues,
si seulement elle les réfléchissait. et ça empeste ici !

si seulement.

Ca aussi, ça a toujours été hein ?

Qu'il ne lui en veuille pas trop, elle veut bien faire
elle veut toujours bien faire. Trop, certes - mais bien, vraiment !

Elle évolue dans la pièce dont elle se rappelle les détails, quoique tout y est plus obscur que dans ses souvenirs, plus vide, aussi. Moins vivant
lui aussi, il est un peu creux, tant qu'elle est tentée de revenir sur ses pas pour voir s'il respire encore.

N'en fera rien, se contente de tirer les rideaux et d'aérer en grand,
ouvre les placards et étale les recherches sur le plan de travail.
Sans pitié, sans un regard en arrière
(mais elle espère qu'il respire toujours !)

et si je te faisais un café, hein ? je m'en fais un, en tout cas.
ça nous fera du bien elle acte seule, parle fort, alors,
depuis la cuisine où elle ramasse un peu ce qui traîne sans accorder de répit aux maigres réserves qui habitent encore les étagères.
Peut-être aurait-t-elle dû amener un plat ou deux, plutôt que des piles de son charabia couché sur le papier - oh,
mais elle n'a pas le temps de penser à tout ça.
C'est qu'elle a tant à lui montrer, tant à leur dire !

Les doigts jaunâtres s'affairent sur les ustensiles qui croisent sa route, de quoi leur faire couler deux tasses avant d'enfin chercher l'hôte des yeux. Enfin, vérifier sa présence,
et s'il respire encore.

ouais, un café, ce sera bien. définitivement, il en a besoin,
alors elle pousse la tasse dans sa direction avant de se hisser sur le plan de travail, duquel les jambes pendouillent un peu d'une excitation qui rend mal l'invitation qu'elle s'est accordée. bois un coup et on jette un œil à tout ça. tu devineras jamais ce que j'ai trouvé sur les malédictions !

Une sale mine.
Et il te regarde, les yeux lourds de fatigue, à se demander depuis combien de temps n’a-t-il pas eu une nuit correcte, ou si le simple fait de se lever de son canapé l’a tant épuisé. Et tu entres, tu t’imposes, Alistaire grimace devant l’intrusion, trop épuisé pourtant pour t’en empêcher.

Il ne fait que te regarder évoluer.
Il te fixe, sans un mot, sans un bruit.

Un café, il n’en a pas besoin. Ce qui lui faut, ce serait plutôt du repos, un bon repas et une bonne dose de larmes, un deuil à faire. Pas d’un café. Par dépit peut-être, il finit par s’asseoir à la table de la cuisine, des chaises en bois avec des coussins pour être plus confortables, commande au menuisier, comme beaucoup de meubles par ici. Tu ouvres ses placards comme pour trouver quoi que ce soit mais tout est vide, tout est triste, une fine couche de poussière recouvre les plans de travail, on la voyait voleter dans l’air, dans les faisceaux de lumière, avant que tu n’ouvres tout en grand. Il a plissé des yeux, marmonné sa douleur comme s’il n’avait pas vu le soleil depuis trop longtemps.

L’odeur du café empeste l’air.
Un haut-le-cœur, pourtant il en boit souvent.
Non, il ne sait plus comment faire.

Il jette un regard las sur tes piles de papiers et de notes distordues, sans parvenir à lire, sans parvenir à déchiffrer quoi que ce soit. Et il ferme les yeux, la paume de sa main contre son œil droit.

“Natalia, je…”, il commence avant que la tasse n'atterisse devant son regard. Il la repousse tant l’odeur lui retourne l’estomac à cet instant.

“Natalia, je suis… terriblement fatigué”, il parvient à articuler, dans la peine. Non, il n’a pas la tête à tout ça, à toutes tes théories. Il t’a laissé peut-être un peu trop longtemps t’y plonger, parce qu’il n’avait pas la force de t’en empêcher. Maintenant, c’est juste douloureux, trop, de te voir t’acharner sur l’inévitable. Il voudrait que tu arrêtes, que tu stoppes tout, que tu ne lui parles plus de tes feuilles et de tes notes.

Alors il commence à les remettre en ordre, ou pas vraiment selon ton ordre à toi. Il les empile lentement, difficilement et la mâchoire serrée, sans parvenir à les aligner de sa main manquante.

Un agacement soudain, brutal.
Et des tics dans ses traits qui le trahissent.

agora

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alistaire

Pas de café, alors ?
Tant pis, elle boit une gorgée du sien. Elle attend après lui, pose les yeux qui n'ont pas de pupille sur l'air abattu et les mots qui sortent douloureusement (depuis combien de temps n'a-t-il pas parlé ? ), s'alignent péniblement dans une tentative de la repousser qu'elle ne comprend pas bien.

Elle ne fait qu'aider, non ? se rend utile un peu comme elle peut, parce qu'elle ne sait pas trop quoi faire des larmes et du poids sur les épaules d'Alistair. Elle ne sait pas le prendre, l'en décharger,
elle ne peut pas même tendre les mouchoirs et rester là pendant qu'il souffle. Elle n'a que sa présence qui crépite et sature un peu l'air

et lui avec, semble-t-il.

oh, ok elle n'est pas déçue, pas même vexée. se contente de reprendre la tasse qu'elle dépose un peu plus loin, juste de quoi lui permettre de respirer sans plisser le nez.
pas de problème, je te fais la lecture si tu veux !
c'est pas exactement ça, le problème, Natalia

Mais elle n'entend et ne voit pas - ou peut-être que si
elle entend et elle voit tous les signes et les vieux souvenirs qui habitent la maison, manipulent le corps sans conviction jusqu'à tenir les paupières en place, qu'il n'ait aucun répit.
Sauf qu'elle se concentre mieux sur la matière, Natalia,
sur le concret et les trucs qui ne bougent pas et qui ne peuvent pas lui sauter entre les doigts

(elle a peur que tu lui pètes entre les doigts, Alistaire )
alors elle les occupe, quitte la chaleur de sa tasse pour recouvrir sa main malhabile avec la sienne. Le contact n'est pas aussi chaud qu'elle l'aurait cru, elle sent la rigidité à travers les pores et les tremblements infimes qui parcourent ses recherches sans les voir.

Elle se retient de lui dire qu'il mélange tous les papiers, là.

ca va aller, Ali. sa voix n'est pas douce. pas tendre, non plus
elle ne cajole pas le dos courbé avec des promesses cotonneuses.
Elle est sûre d'elle, mettrait sa main
sa tête, aussi ! et tout le reste à couper dans cette affirmation
qui tombe un peu platement devant le tableau morne qui lui est offert.

De la maisonnée chaleureuse de ses souvenirs, il ne reste plus grand chose. Mais elle a toujours des fondations non ?!
les choses changent, mais ca va aller tu vas voir. j'ai presque trouvé quelque chose qui ressemble à ce que Konnor à fait à Camo, et je pense qu'en regardant de plus près, si j'arrive à aller lui parler - interrompt le cours des pensées en vrac qui défilent en flot sans garde-fou, sans même capter l'irritation sur le visage sur lequel elle a cessé de veiller, sans précaution dans le prénom banni d'entre ces murs.
tu crois que je pourrais aller lui parler, aujourd'hui ?

Ah tu n’as pas compris ? Non, la douleur et la fatigue, toi qui es toujours si débordantes d’enthousiasme, c’en serait presque à te jalouser. Mais tu n’as pas compris, le besoin qu’il a d’être seul et sans personne pour lui rappeler sa peine. Et il est fatigué, trop peut-être encore pour essayer de te l’expliquer. Pourtant oui, il voudrait que tu partes, il ne te le dit pas directement mais ça transpire dans ses mots et ses phrases. Rares et pénibles.

Ta main contre la sienne, il se tend, il se crispe.
Tu sembles si sûre de toi dans ton affirmation. Ça va aller.

Ah tu n’as pas compris ? C’est fini, fini désormais l’espoir de la retrouver, non il faut qu’il l’oublie, fasse son deuil comme il aurait dû déjà. C’est une leçon difficile, de celui qui ne voulait pas accepter la mort. Et pourtant, pourtant le voilà mis face à semblable situation, terriblement similaire et encore plus douloureuse car elle est là, elle existe et vit toujours dans ce monde, se balade devant ce qui fut chez-eux, il entend sa voix et ses pas dans l’auberge, il sent encore ses fleurs dans l’allée, passe devant l’herboristerie sans plus oser s’y arrêter pour la regarder travailler.

Ah tu n’as compris ?
Que tout est pire ?

“Non, Natalia, je-. Arrête. Arrête tout. Ce n’est pas, ce n’est pas…” utile, nécessaire, s’il te plaît. “Ça ne sert à rien, plus à rien, c’est. C’est fini, Natalia. C’est fini.” Ne prononce pas son nom, non, son nom est tabou désormais. “Je t’en prie, n’essaie pas, n’essaie plus. C’est.”

Il y a un râle qui sort de ses lèvres, et la douleur dans le fond de la poitrine, dans le fond de la gorge de trop parler. De sa main, il a froissé tes papiers, sans même le remarquer. Il s’est crispé, tendu.

“Ça fait mal.”

agora

✪ ⍟ ✪

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alistaire

Quoi, Alistaire, quoi ?
Quoi encore ? et qu'est-ce que c'est que cette tête de trois mètres de long, hein ? N'est-il pas heureux de sa visite,

pas vraiment

N'est-il pas heureux des nouvelles, de l'espoir qu'elle distribue à tours de bras ? non, vraiment pas !

Après tout, ça se voit ( elle n'a pas vu)
c'est sur tous les mots qu'il prononce, il veut arrêter.
elle doit arrêter ( les verra-t-elle, ses maux ?), c'est sur ses mains qui tremblent et froissent les recherches, c'est dans ses suppliques et dans la voix qui se brise.

Elle fronce les sourcils, alors,
un peu incrédule.

comment ça, ça sert à rien ? ça ne lui plaît pas, les jérémiades et les bras ballants, ça ne lui plaît pas du tout. ça sert à tout sauf à rien, tu veux dire !

Ca lui échappe, à Natalia, qu'on laisse gagner le mauvais sort ;
il n'existe même pas, hors de question de lui confier sa vie.

Elle le gronde un peu, les yeux qui brûlent dans l'eau trouble de ceux d'Alistaire, toisent et accueillent en même temps sans laisser à l'aîné le temps de se reposer.
Elle a les bras qui s'agitent un peu, des rondes exagérées pour accompagner le feu des paroles que les plaintes n'ont pas su apaiser
(désormais menace
même de tout cramer).

allez quoi, c'est pas la première extravagance de Konnor qu'on galère à comprendre. regarde moi - regarde nous, regarde toute la famille ! tu vas quand même pas laisser des broutilles avoir raison de toi !
ce ne sont pas vraiment des broutilles, mais elle ne s'entend pas,
ne voit que cette figure de son enfance décrépir (qui est-il, et où sont les rires d'Alistaire qu'elle chérit tant ?) et elle le refuse,
en refuse les conséquences et le bon sens des conclusions qui ne lui conviennent pas. bien-sûr que oui c'est difficile, c'est exactement pour ça que personne se pose de questions ici : "c'est trop dur,
ça fait trop mal, c'est trop long,
c'est peine perdue, blablabla... "

pas toi ali, pas toi !

Sa voix raisonne dans la maison, si forte qu'elle a l'impression que le silence lui répond, craque et se terre encore dans la pénombre. Rebondit partout sur les souvenirs pour en faire tomber la poussière, implacable et prête à épingler tous les râles accablés qui rampent entre ces murs.

Elle a posé son café à côté d'elle, ses gestes se sont calmés.

tu peux pas la laisser t'oublier. elle se fiche bien qu'il ne veuille pas l'entendre, se fiche même qu'il ne veuille pas y croire, à vrai dire.
Mais elle ne peut décemment pas le laisser arrêter d'essayer.

Tu insistes pourtant. Tu insistes dans toutes ta force de vie, de vivre et ton enthousiasme. A cet instant, nulle doute qu’il aurait aimé être toi - ah oui, pour cette force qu’il ne possède pas. Non, il ne voudrait pas baisser les bras, mais la fatalité lui tombe désormais sur le dos. Il n’y voit que l’inextricable, sans parvenir à voir la lumière au travers des nœuds qui encombrent cette histoire.

Non, Alistaire ne voit plus tout ça.
Il ne voit plus rien.

Alors oui, c’est trop long, ça fait trop mal, et c’est trop dur. Pour lui, pour lui oui, c’est peine perdue. Il ne sait pas, il ne sait plus. Par où commencer, prendre le bout. Il ne veut plus s’acharner.

Et il ne répond pas, non, il s’écrase sous le poids de tes mots et de cet espoir qu’il n’a plus. Il aurait tant aimé. Être toi. Répondre. Être à tes côtés. Pourtant, seul le craquement des planches résonne, de cette maison et de cet hôte sans vie. Il n’a plus la force, plus la force de rien. Juste de la fatigue qui accable ses épaules, fatigue insidieuse, fatigue vicieuse. Et une colère sourde, colère contre le monde, contre Konnor. Contre lui. Plus rien n’a de sens, non, plus rien. Sans elle, sans personne.

Plus rien n’a de sens.

“Mais c’est déjà le cas. Elle m’a déjà oublié. Toi, le village. Tout le monde.” Sa voix est doucereuse soudainement. Soufflée, presque. C’est fini alors, le sort est déjà scellé. Et quel serait le prix d’un retour en arrière, que faudra-t-il sacrifier ? “... Je recommencerai, tu sais ? Il peut même prendre mes deux bras ou me tuer à sa place, je recommencerai.”

Sans hésitation. Parce que rien ne vaut le même prix que sa vie. Pas même les souvenirs de leur vie à deux.

agora

✪ ⍟ ✪

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alistaire

Elle a gobé les mots comme des pilules qui n'ont aucun effet,
en observent le cheminement dans sa trachée et n'avale même pas sa salive avant de répliquer

et alors ? tout sonne si simplement lorsqu'elle parle sans même mâcher les réponses qui lui sont servies dans la douleur et qui goûtent encore l'aigre et le rance.
si cinglant, aussi, quand elle s'extirpe du plan de travail pour lui faire face de plein pied, jusqu'à répéter la sentence les mains sur les hanches. et ? alors ?

Comme si elle n'avait rien entendu, comme s'il n'avait rien dit
comme si elle pouvait rallumer le feu en y fourrant les mains, et toute la baraque avec.

elle t'as oublié maintenant, ok, oui, c'est un fait. ça fait mal, ça coupe même dans l'air qui a déjà tourné. mais qu'est-ce qui te dit que ce sera le cas pour toujours, hein ? qu'est-ce que t'en sais, si t'essaies pas, si tu veux même pas y croire ?

Elle les adore, Alistaire et Camomille,
elle les adore tant, elle veut garder les souvenirs intacts et jouer avec comme si elle pouvait en avoir d'autres, encore et encore,
et c'est exactement ce qui la fait revenir à la charge.

Ne la pardonne pas, ce n'est même pas grave -

il est pas question de tout donner à Konnor, banane ! ces trucs là ont un sens, même si on le comprend pas encore. tu peux pas juste faire un marché et, bim, tu vois ce qu'il en est ! fin, si, en soit, tu peux
elle se racle la gorge avec la réalisation, tu peux parce que tu l'as fait, mais bon hein, regarde le résultat !
il me faut un tout petit plus de temps, Ali.

Elle a la voix qui se radoucit un peu, mais a encore l'accent des grandes décisions prises unilatéralement, et le regard un peu trop perçant pour ménager l'épuisement sur ses rides.

juste un peu plus de temps, on touche au but, il faut que tu tiennes juste encore un peu. je peux pas trouver de réponses si t'es pas un minimum avec moi sur ce coup, tu sais.

Et alors ?

Et alors tes mots, tes phrases, lui tombent dessus avec violence. Il les subit, il les subit tant qu’il se recroqueville sous leur poids. Comme un enfant que l’on dispute d’être rentré trop tard. Il voudrait alors, se rouler en boule au pied de la table pour ne plus avoir à les subir, oublier, tout oublier c’aurait été tellement plus simple, tellement plus facile..

Il voudrait encore y croire.
Mais il n’y parvient plus.

Il a mal, il a mal et tes mots le blessent encore un peu plus. Car il y voit ce qu’il n’est pas, ce qu’il n’est plus. Ce qu’il a perdu, oui. “J’ai essayé d’y croire, je te promets que j’ai essayé, c’est que.” Que c’est trop dur, trop long. Que ça fait trop mal. Ah, mais il l’a déjà dit tout ça. Oui il l’a déjà dit, alors il ne finit pas sa phrase, ni même ses pensées. Non, il voudrait même arrêter, de trop penser. Ce serait tellement plus simple. Plus facile.

“Le résultat ? Elle est en vie…”
“Ça vaut tout le reste.”

Oui, son bras est une bien maigre contrepartie à ses yeux - sa mémoire, tout autant. “Et il se passerait quoi ? Si tu parviens par un miracle quelconque à lui rendre sa mémoire ? Est-ce que son cœur recommencerait à ne plus battre correctement ?” Il déglutit, l’idée même de cette possibilité lui donne un violence tournis, et la bile au bord des lèvres. Non, il refuse de l’imaginer, ce serait-ce qu’une seconde. “Je préfère ne pas y penser, je…” Un haut-le-cœur, de l’idée et de l’odeur de café.

“Combien de temps, Natalia ? Combien de temps encore, tu vas me demander de tenir encore un peu, juste un peu. Je ne peux pas, c’est.” Il passe sa main sur son visage, toute la fatigue que l’on peut y lire se découpe dans les faisceaux de lumières qui éclairent cette maison restée trop longtemps dans l’ombre. “J’aurais aimé avoir ta force, tu sais ?”

agora

✪ ⍟ ✪

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alistaire

Elle essaie de lire les parchemins sur ses traits, les suppliques dans les mots et la voix mal assurée dont elle s'acharne à en exposer l'impuissance. Elle ne veut pas lui faire de mal - bien sûr que non !
Mais avec les gros sabots et les doigts qui irradient et brûlent le bord des yeux du rouquin,
la voila qui puise encore,
encore et encore
et encore dans les prunelles lointaines.

t'as peut-être pas encore assez essayé ? juste une petite fois quoi...

Elle déchiffre mais n'entend pas,
entend mais ne retient pas, se perd dans la lutte de son aîné
et alors tout se mélange un peu dans la cuisine sans joie ;

ses arguments se perdent dans la voix d'Alistaire, les éclats de la sienne mêlés aux plaintes qui portent à peine plus haut que ses regards (et ils agitent les drapeaux blancs).
Qu'est-ce qu'il se passerait ? elle ne je sais pas, mais- Son coeur ? ah, oui, mais- Combien de temps ? non mais ça,
ça c'est-

C'est quoi, au juste ? C'est pas vrai, elle ne lui demande pas tant ? C'est pas si difficile, de s'accrocher à des cadavres qui ne vivotent que dans l'esprit quand on y pense suffisamment fort ?
Elle ne sait pas elle-même, ne peut que contempler les mains dont elle voit désormais chaque caprice des phalanges sous la peau fine,
le regarde tenter vainement d'effacer les stigmates de ce qui lui colle au derme.

C'est elle qui s'attriste un peu, alors, perd une seconde le ton infaillible des grandes phrases.

comment je suis censée t'aider moi, alors ? je sais pas quoi faire d'autre. laisse retomber les bras qui avaient l'air si puissants, tellement capables là-bas, fichés sur ses hanches,

et elle a 12 ans à nouveau et des fossettes qui encadrent ses joues, sales d'avoir traîné n'importe où,
elle a 12 ans à nouveau et elle fuit les jupons de sa famille d'accueil pour tenir la grande main aujourd'hui troquée contre son âme-soeur.

Elle ne se rend même pas compte qu'elle fixe l'espace où elle aurait dû se trouver, cette grand main qu'elle ne sait plus comment serrer.

Ah non, voilà, tu ne sais pas, tu ne sais pas ce qui se passerait. Jamais pourtant, jamais il n’oserait remettre en cause ce qu’il a perdu, ce qu’il a gagné. Non, car c’est bien une vie qu’il a sauvé - l’amour de sa vie, contre la sienne, contre un bras, des souvenirs.

Parfois alors il se demande.
Est-ce que ça vaut encore le coup ?
De rester ? De s’accrocher à l’impossible ?

Vivre ? Encore ?
Sans elle, sans personne ?

Ah non, voilà, tu ne sais pas, tu ne sais pas le trou qu’il y a dans son cœur. Et lui-même ne saurait voir le trou qu’il y a dans le tien. Car il existe, n’est-ce pas ? Il faut bien qu’il existe pour que tu t’acharnes avec cette force qui est tienne. Mais Alistaire ne saurait le voir, tout concentré qu’il est sur ses propres drames. C’est que l’on devient égoïste dans la tristesse, n’est-ce pas ? Car à nos yeux, il n’y a jamais plus grande peine que la nôtre.

“... Je ne sais pas, Natalia.”
Non, il ne sait pas quoi faire, pour se sauver lui-même.

Il étend alors sa main sur la table, pour te retenir quelque temps encore. Non pas tes recherches, non pas tes feuilles par centaine. Juste toi. Toi qui es là, présente. Une peu de vie, dans cette maison morne et triste. “Est-ce que tu peux rester encore un peu ? Je- J’ai besoin de compagnie.” Car il a sa voix qui grince encore un peu trop de n’avoir parlé trois mois durant. Car il a ses yeux qui supplient de ne pas le laisser seul encore trop longtemps. Non, il ne la supporte plus - cette solitude qui ronge sa poitrine.

Sa main qui tremble enfin se saisit du café, porte la tasse à ses lèvres. Il a tiédi, n’est franchement plus très bon, et pourtant il réchauffe. Un “merci” doux et soufflé sort de ses lèvres. C’est quelques gorgées, et ce silence qui plane.

Pesant, peut-être.
Il ne saurait dire.

“Elle me manque, tu sais… Elle me manque tellement…”
Et la voix qui se brise, et les lèvres qui tremblent. Ah, il pourrait se mettre à pleurer.

agora

✪ ⍟ ✪

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alistaire

C'est rare mais ça arrive,
l'étoile filant sur les yeux attendris, baignent dans la peine pour en partager un morceau.

Elle prend une grande inspiration, alors, s'attarde une seconde sur la main unique qui la cherche avant de tirer une chaise près de lui.

bien-sûr qu'elle peut rester, calmer ses intonations et s'asseoir
lui signifier qu'elle ne bougera pas (pas tout de suite ! ).

Elle le regarde en silence, ça gratte un peu à sa trachée mais ce n'est pas bien grave car il lui faut le temps d'avaler sa gorgée,
elle lui doit bien ça, le temps d'avaler son monde qui s'écroule et
les larmes qui menacent le bord des yeux fatigués.

elle manque à tout le monde soupire doucement,
ça lui fait tout drôle, de calmer l'impatience de sa jambe qui martèle le sol, de maîtriser les mots, juste à temps, retenir qu'à elle aussi,
elle lui manque parce que ce n'est pas sa place là dedans,
dans la douleur à vif.
De ses deux mains, entoure celles de l'aîné autour de la tasse à peine tiède. mais on est là pour toi,
en attendant qu'elle revienne...

Elle reviendra, tu sais Alistaire,
elle en est sûre, parierait son âme au diable si elle n'était pas déjà vendue au malin du coin
si on pouvait croire une bouche maudite.
Elle reviendra mais elle ne veut pas le clamer trop fort
(même elle, parfois,
sait reconnaitre les batailles qu'elle ne peut pas remporter (et les conclusions qu'elle n'a pas le droit de tirer)
le reconnaît quand ça strie le visage et que ça laisse les supplices à vif, impossibles à ignorer)

pas pour tout de suite, mais en attendant d'accord ? elle se veut rassurante, le veut tant
essaie d'avoir l'air plus douce que l'intensité de ses yeux et le brasier dans son œsophage - elle espère qu'il y croira
que le sourire qui fleurit tristement, bouquet qu'on offre pour dire qu'on est désolé, est suffisant pour tempérer son discours précédent.

Il peut abandonner, mais elle n'a rien promis
et elle ne compte pas s'arrêter de chercher.
lui n'a pas besoin de le savoir, il peut se reposer
il peut serrer la main qu'elle lui tend sans savoir qu'elle retournera fouiner à peine son pallier franchit.

Il n'a pas besoin de savoir, peut se sasir sans crainte de la paix relative qu'elle réservera pour les versions officielles.

tu devrais aller te rafraîchir, je vais te préparer quelque chose et ranger un peu.

Bien sûr que tu peux rester. Et il souffle, Alistaire, il souffle d’un drôle de contentement, d’un drôle de soulagement qu’il n’a pas connu depuis un temps. Finalement, la solitude le rongeait plus qu’il n’aurait osé l’avouer, plus que tout, plus que le reste. “Elle manque à tout le monde” répète-t-il, comme s’il se rendait seulement compte qu’il n’était pas le seul à en souffrir.

Il serre tes mains alors.
Un peu de chaleur bienvenue.

Et il hoche la tête, le temps qu’elle revienne, oui. Oui, il peut peut-être encore un peu espérer. Encore un peu, quelques instants, quelques minutes. Il renifle alors, et essaye de frotter son visage contre son épaule, sa main unique désormais déjà prise, entrelacée dans les tiennes. Non, il ne veut pas lâcher, pas maintenant, pas encore, pas toi qui le tiens littéralement à bout de bras. Il a l’impression brutale d’être un poids - pour lui, pour toi, pour toutes et tous. Il secoue la tête, et cligne des yeux. Perdu, un peu, peut-être encore.

“En attendant, oui.” qu’il dit, affirme. Une voix morne d’outre-tombe, pourtant il y reste encore un peu de chaleur. Encore un peu, autant ne pas laisser les braises s’éteindre.

Il y a encore un peu de vie dans le fond de ses yeux, tandis qu’il se contente de répéter bêtement ce que tu dis. “Ça ferait du bien, oui. La maison, il faut. Il faut aérer la maison.” Il se lève alors, un peu lentement il est vrai, et se dirige comme un drôle d’automate vers le salon. Quelques secondes après, la lumière inonde la pièce, et de l’air frais également.

Il s'assoit sur le banc, sur la terrasse. Il fait encore un peu froid à cette période de l’année, il faut avouer, et il plisse les yeux de la lumière. Il se contente de regarder l’extérieur, et les fleurs dans l’allée. Quelques instants passent, avant qu’il n’entende tes pas revenir.

“Tu as raison, tu sais. Tu as toujours raison.” Et il te sourit, un sourire un peu faible, un peu vague peut-être. Mais l’un des plus sincères qu’il n’ait jamais porté.

agora