The Purge - Mia

The Purge

La colocation, c'était vraiment pas son truc. Le jeune trentenaire fuyait dès qu'il le pouvait cette chambre infernale avec cette fille beaucoup trop chiante. Heureusement, elle n'était pas bruyante et elle lui permettait de s'occuper de ses sculptures sans trop râler. Alors, il s'arrangeait pour rentrer plus tôt que la demoiselle, il se lavait, retirait les traces de ses journées plus ou moins longue avant de se poser sur le rebord de la fenêtre pour travailler son morceau de bois. Ou il s'amusait avec Huguette et Raymond quand les deux étaient dans la chambre. Ce qui n'arrivait pas si souvent que ça, en vérité. Mais Hadès leur mettait toujours à manger et à boire à disposition. Un vrai papa poule.

Affublé de sa salopette de travail et de son t-shirt blanc uni, il tenait encore sa mallette et il avait sa ceinture d'outils à la taille quand il pénétra dans la chambre. Normalement, le plombier devait encore être seul quelques heures. Il prit le temps de ranger son matériel avant de se glisser sous la douche chaude. Ça faisait un bien fou. Le sport avait été fait tôt le matin, il avait honoré la plupart de ses rendez-vous à part un client qui s'était désisté au dernier moment, c'était donc l'heure de la détente. Il attrapa un morceau de bois neuf légèrement teinté ainsi que ses ciseaux à bois. Hadès avait juste enfilé un pantalon de jogging histoire de ne pas se balader à poil, sait-on jamais et il s'était installé contre la fenêtre. Cigarette au bec, fenêtre ouverte, il commença à laisser libre court à son imagination, ses mains savaient parfaitement ce qu'elles devaient faire.

C'était un bruit régulier du bois qu'on modulait, sculptait à la guise d'une envie particulière ou non. Il avait tout prévu, même. Un sceau ramassait les copeaux qui tombaient petit à petit. Le matériaux prenait la forme d'un oiseau qu'il avait croisé durant sa journée. Le calme, la paix. C'était tout ce que l'ancien militaire demandait. Que son cerveau s'éteigne et que l'automatisme de l'enclume revienne. Plus de cris, plus de hurlement, plus de douleur. Juste le bruit satisfaisant du bois dans sa main. C'était si agréable qu'il ne remarquait pas la fuite de la douche ou le glouglou qui s'écoulait de l'évier de la salle de bain sans s'arrêter. Heureusement que la salle de bain n'était pas inondée. Ça aurait été un comble pour un plombier comme lui.

Mais il n'était pas au travail, de toute façon. Il était chez lui et il profitait du temps de paix avant l'arrivée de la tornade qui lui servait de colocataire. Elle était mignonne et intelligente mais elle était terriblement casse-couille. Les éclats de voix raisonnaient souvent pourtant, dans le fond, il l'aimait bien. C'était sans doute pour ça que Hadès ne déménageait pas. Parce qu'elle lui apportait un petit quelque chose qu'il n'aurait pas seul. Et malgré tout ce qu'il pouvait dire, ça lui faisait du bien d'avoir Mia avec lui.

Codage par Libella sur Graphiorum

La journée de travail avait été assez tranquille. Surtout du nettoyage, une étape entre deux missions, de l’organisation, un calme appréciable et apprécié l’avait rythmé. Je m’étais même permise d’aller chercher un macchiato. Il ne valait pas celui de Starbucks, mais c’était tolérable, et j’avais eu besoin de ma dose de caféine pour fonctionner. En plus d’apprécier la pause que représentait le fait de marcher du funérarium au café, de prendre mon temps, d’observer autour de moi. Je découvrais encore des nouvelles choses dans le village. Au fur et à mesure. J’aimais bien ça. Le fait de sentir comme ma vue se rétrécir, d’une bonne manière. J’avais d’abord appris à connaître l’ambiance générale, puis commencé à observer les maisons, reconnaître certains visages, certains commerces… et petit à petit, je retenais les noms de rue, les détails d’architectures, les fleurs précises accrochées à telle fenêtre, la couleur de telle porte. Bon, d’accord, j’aimais bien analyser tout ce que je voyais, et comme tout humain, je passais du général au détails. Rien de bien impressionnant, mais j’en appréciais la saveur quand même. Je me sentais pas… submergée ici. J’avais le temps. Je le prenais.

Même cette fichue colloc, je m’y étais habituée. Oui, même cette infâme odeur de cigarette. Eurk. Je suppose que l’humain est capable de s’habituer à tout, même aux choses qui le débectent de base. Au moins, il n’était pas envahissant, ni bruyant. Juste… là. Je me disais que ça pouvait être pire. Bien pire. J’avais eu la chance de ne pas aller à l’internat comme certains de mes rares amis américains, mais les soirées pyjamas que ma sœur organisaient dans notre chambre avait suffit à m’apprendre que cohabiter avec certains être humains relevait pour moi d’un enfer innommable. Hadès était en comparaison largement tolérable. Oui, même si mes draps puaient à cause de ses clopes.

De fait, je rentrais sans pour autant traîner les pieds dans notre chambre. Sûrement n’étais-je pas une colocataire des plus agréables, peut-être me fuyait-il un peu. Quelque part, ça m’arrangeait, ça m’évitait d’avoir à faire la conversation, ou de faire l’effort d’être aimable quand certaines de ses manies m’agaçaient. C’était pour cela que notre cohabitation fonctionnait. J’en étais à peu près sûre. Je poussai donc la porte de la chambre après une petite inspiration, et ne pus pas vraiment rater le spectacle qu’il offrait avec ses ciseaux à bois. Je roulais immédiatement des yeux.

« C’est trop demander je suppose de faire l’effort de s’habiller correctement, n’est-ce pas ? » Je lançai d’une voix blasée en refermant la porte derrière moi. Ah zut. J’avais oublié de dire bonjour. « Bonjour, en tout cas. » Je grommelai en allant poser mon sac de mon côté de la chambre. Je le regardais à peine en sortant de quoi me changer. Mon petit rituel en rentrant du travail : la douche et les vêtements plus agréables – esthétiquement ou à porter. Je reniflai le tissu et déplorai encore la légère odeur de tabac qui persistait dessus. Un soupir m’échappa mais qu’importait. Je pris ma pile bien pliée et avançai à grand pas dans la salle de bain, dont je claquais la porte du pied… Avant de me figer en écarquillant les yeux.

Je ressortis en vitesse, mes vêtements toujours dans mes bras. « HADES ! » Je m’exclamai. « Comment un fichu plombier arrive pas à se rendre compte que la tuyauterie fuit ??? » Je balançais les habits sur mon lit. « Va voir ! On patauge ! Incapable ! » Non mais je rêvais ! C’est comme si je … Euh… Non, il était préférable de ne pas comparer avec mon métier, le mien relevait de l’humain malgré tout, et le sien du pur matériel. Mais depuis combien de temps était-il là à se tourner les pouces pendant que la salle de bain se remplissait d’eau ? J’exagérais un peu, il y avait deux trois flaques, guère plus. Mais quand même ! Je regardai son morceau de bois à la vague forme aviaire. Il était là depuis un moment quand même, hier ce truc n’avait même pas une forme reconnaissable.

The Purge

Le calme se brisa d'un éclair dès que le blond entendit la porte de la chambre. Bougea-t-il ? Non. Il continuait inlassablement de faire aller et venir les ciseaux à bois pour sculpter son petit oiseau. C'était ainsi entre les colocataires. Pas plus polis que nécessaire. Pas chiant en général. En général hein. Hadès observait par la vitre tout en laissant ses mains habiles continuer leurs travaux. Il n'était pas du genre causant et malgré sa clope au bec, il gardait souvent les lèvres clauses. Pourquoi faire ? Les deux étaient différents, pas les mêmes hobbies mais ça se passait plutôt bien entre eux. Tant que l'un ne demandait rien à l'autre visiblement. La remarque de la jolie Mia le fit sourire. Il tourna la tête vers elle en la voyant disparaître dans la pièce à côté. Petit ou plutôt grand brin de femme étonnant.

Le plombier tendit la main pour attraper un t-shirt et il l'enfila comme un respect envers la demoiselle aux yeux visiblement effarouchés. « Bonjour Mia. » C'était presque les premiers mots qu'il prononçait de la journée. Sa voix était rauque et cassée par la cigarette mais elle ne démontrait aucune animosité pour le moment. Lorsqu'il entendit son nom dans un hurlement visiblement de colère, l'ancien plombier lâcha un soupire. Qu'avait-elle encore ? Il se pinça l'arrête du nez après avoir posé délicatement le bois et les ciseaux sur le rebord de la fenêtre. Allons bon. Le jeune trentenaire se dirigea vers la salle de bain. Il observa les dégâts en haussant un sourcil. « T'es au courant que je vis pas pour bosser, hein ? Quand j'ai pris ma douche, il n'y avait pas de fuite. » Il roula des yeux en retournant chercher sa caisse à outil.

Le plombier rentra ensuite pour aller examiner ce qui semblait fuir. Ah, un joint. Il soupira un peu. « Tu veux pas aller fermer l'eau ? Ou demander à l'accueil pour qu'ils le fassent ? Sinon, t'es pas prête de prendre ta douche. » C'était bien parce que ça le faisait chier autant qu'elle sinon il aurait sans doute dit à Mia d'aller voir avec le responsable. Il ne serait pas payé pour ce travail et c'était clairement pas chez lui. Mais bon. Elle allait encore criser et en soit, il comprenait puisque la douche était un moment fort appréciateur quand on rentrait du travail. Il savait de quoi il parlait. En attendant, Hadès commença à éponger les lieux avec des serpillières. Ce serait déjà ça de pris, hein. Non, finalement, cette journée était une journée de merde. Sans parler du fait que madame allait encore criser en lui disant qu'il aurait pu entretenir la plomberies blablablabla. Vraiment, c'était comme s'il demandait à sa coloc de le préparer pré mortem. Totalement idiot, non ? Les cendres de sa cigarette tombaient dans l'eau et ça ne semblait pas le déranger plus que ça, en vérité.

Codage par Libella sur Graphiorum

J’avais conscience que ma réaction était un peu violente. Bon, beaucoup. Mais ça venait de briser le confort de ma routine et je détestais les imprévus en règle général, encore plus s’ils étaient là pour mettre en bazar ce qui me faisait me sentir à peu près bien. Des années à trouver du réconfort dans ma maison et mes petits gestes quotidiens pour ne pas péter un câble dans cette ville sans âme avait laisser ses marques. Peut-être que j’en faisais trop ? Je l’ignorais mais en attendant, sa réaction nonchalante n’allait pas aider à me calmer.

Je plaque mes mains sur mes hanches et le regarde avec un agacement perceptible. « Vivre pour bosser, ce n’est pas la question… Quand on sait faire quelque chose on le fait. » Vivement le jour où j’embaumerais ce casse-pied, si on joue sur cette affirmation. Non, pas non plus. Je ne le déteste pas à ce point, n’allons pas trop loin dans les extrêmes. Je l’observe prendre ses affaires et commencer à regarder. Et je me sens immédiatement con. C’est bien beau de jouer l’autoritaire et la chieuse, mais il a raison. Je file donc, en chaussette dans les couloirs de l’Auberge, pour aller demander à l’accueil que l’eau soit coupée dans notre chambre… Et signaler la fuite et l’intention de mon colloc de réparer ça. Pas comme s’il y avait cinquante plombier dans le village. Il était évident qu’ils lui auraient demandé dans tout les cas d’agir dessus.

Je reviens donc sur ces actes et le voit en train d’éponger. « Normalement c’est coupé. » Je croise les doigts et m’adosse, jambes croisées, à l’encadrement de la porte. « Laisse pour l’eau. Je nettoierais. » C’est plus juste comme ça, que je fasse une partie du boulot. Peut-être qu’il sera moins énervé ? Et moi plus tranquille ?

Je l’observe. « Ta clope prend l’eau. » Pas que ça me dérange, je supporte tout juste cette odeur qui envahit tout, se faufile partout et s’imprègne dans tout les tissus. Le pire dans tout ça, selon moi, c’est que je commence lentement mais sûrement à m’y habituer. Et ça me flingue. Je soupire aussi discrètement que possible. Et note qu’il a mit un haut. Je n’avais pas capté avant. « Merci… pour ta tenue. » Je bougonne sans le regarder en échangeant un regard avec mon reflet dans le miroir. La moi du travail me fixe, avec ses cheveux noués en chignon haut et sa chemise un peu froissée à cause de mon agitation précédente. Je lève une main et défait mon chignon en retirant la barrette qui le retenait, mes cheveux glissent sur mes épaules et dans mon dos. Ah… Je me sens quand même vachement plus détendue rien qu’avec ce petit geste.